Il y a des choix dans la vie sur lesquels on n’a vraiment pas le choix. Tellement la marge de manœuvre pour le choix contraire est étroite. Après que la Commission électorale indépendante (Cei), par la voix de son controversé président, ait annoncé le début de l’opération de révision de la liste électorale, opération importantissime au regard des enjeux des joutes électorales de 2020, Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (Eds), pateforme politique qui a pour ciment, la philosophie politique de Laurent Gbagbo, a décidé d’appeler ses militants, et au-delà les Ivoiriens, à boycotter ladite opération. Pour deux raisons essentielles. Primo, le mandat du président de la Cei, Youssouf Bakayoko, a expiré depuis 2016. Nommé en 2010 par Laurent Gbagbo, son mandat unique de 6 ans est arrivé à terme. Deuxio, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, sur saisine de l’Ong ivoirienne Action pour les droits de l’homme (Apdh), a rendu un arrêt le 18 novembre 2016, enjoignant l’Etat ivoirien dont Alassane Ouattara est le chef, de modifier la Cei pour la rendre conforme aux textes des organisations dont le pays est membre, jugeant subséquemment la commission discriminatoire à l’égard de l’opposition, du fait que la Coalition au pouvoir y est surreprésentée. Fort de ces faits solides, Eds a entrepris des démarches auprès des chancelleries pour qu’elles jouent les médiateurs dans ce dossier. La plateforme a également battu le pavé pour faire entendre raison au régime. En vain. Bien au contraire, après organisé au forceps les Sénatoriales avec cette commission illégale, le régime vient de lancer, via sa Cei inféodée, les opérations de révision de la liste électorale. Court-circuitant ceux comme la société civile, qui militent activement pour la réforme de la Cei. Devant ce diktat, Eds a, en toute logique, en toute cohérence politique, appelé ses militants et sympathisants à s’abstenir de cette opération litigieuse, pour ne pas légitimer le faux. A première vue, ce choix de boycott s’est imposé aux responsables d’Eds. Mais à y voir de près, ce choix est contraire à la démarche que cette plateforme sert depuis un moment aux siens. A savoir prohiber le mot boycott. A la faveur de la fête de la liberté à Gagnoa, les 28 et 29 avril dernier, Eds a réaffirmé sa ferme volonté de participer aux scrutins à venir. Certes, pas à n’importe quel prix, mais en pesant de tout son poids politique, pour faire changer les choses au niveau de la Cei. Si au nombre des moyens politiques pour ce faire, l’on a fait allusion au boycott de l’enrôlement des jeunes sur la liste électorale, nous pouvons dire que la stratégie comporte des faiblesses. Parce que le poids de l’enrôlement sera déterminant dans le vote de 2020. Or, à Eds on jure qu’on va re-(venir) au pouvoir en 2020. Comment le réussir si l’on pas le corpus électoral qu’il faut ? Qu’on ne croit pas naïvement que le régime acceptera une autre opération de révision si l’éclair de sagesse venait à visiter ses tenants pour enfin accepter de reformer la Cei. Conscients que l’opposition a refusé de faire inscrire ses militants sur la liste, ils privilégieront le statu quo ante pour avoir une longueur d’avance dans l’arithmétique. Il est donc important de faire le tri dans les choix politiques. Ecarter ceux qui peuvent enrhumer les objectifs fixés. C’est vrai que s’associer à ce qui est illégal, c’est cautionner l’illégalité. Et par-dessus tout, consacrer l’inconséquence politique. Mais, il restait tout même une planche de salut à Eds : l’omerta. Condamner, hurler, crier au loup, mais sans jamais franchir le pas de consignes de boycott aux militants. On devrait laisser libre cours à chaque conscience. Le silence aura pour mérite de garder la face. Avec comme seul leitmotiv : accroitre la pression politique pour que les choses évoluent à la Cei. Si demain, comme indiqué plus haut, les choses changent, la victoire sera double. On sera heureux d’avoir triomphé, mais en même temps, on aura ce qu’il faut pour parvenir (revenir) au pouvoir. L’autre a dit que « choisir c’est renoncer ». Sous-entendu « renoncer à un autre choix ». C’est là que réside la complexité du choix. Notre intention n’était donc pas de juger, mais d’exprimer un choix. Le nôtre.
Yeshua Amashua