A la faveur de la fête organisée en l’honneur d’un militant de son parti fraîchement sorti de la Maca, Anaky Kobena, président du Mouvement des forces d’avenir (Mfa), en a profité pour commenter l’actualité politique nationale. Entretien.
Quel est le sens de la cérémonie organisée ce Jeudi 19 avril 2018, au siège du Mfa ?
Le Bureau Politique du Mfa et les Fédérations du Grand Abidjan se retrouvent pour un ‘’pot’’ de famille, convoqué pour féliciter et rendre hommage au Camarade Koué Bi Nene Robert, Membre du Secrétariat General et l’un des délégués du Mfa au sein de la coordination de la marche du Jeudi 22 mars 2018, lancée à l’initiative de Eds et des partis et ONG affiliés d’une part, et des partis politiques alliés que sont l’Urd et le Mfa d’autre part.
La Côte d’Ivoire et le monde entier ont vu avec quelle barbarie l’initiative a été étouffée dans l’œuf, et près d’une trentaine de camarades démocrates ont été battus sauvagement et embastillés à la Préfecture de Police. Notre camarade Koué Bi a fait montre d’un comportement exemplaire puisqu’il a tenu à rester aux côtés du camarade Tchéidé Gervais, porte parole de Eds et coordonateur de la manifestation, ce qui lui a valu d’être embarqué avec lui.
Nous nous retrouvons donc ce jour pour le féliciter, et inviter nos militants, et surtout notre jeunesse, à prendre exemple sur lui ; et nous adopterons un programme de visites au camarade Tcheidé, et aux nombreux autres détenus politiques du système Alassane Ouattara, à Abidjan comme à l’intérieur du pays.
Avez-vous quelque chose à dire sur cette marche du 22 mars 2018 et cette répression du pouvoir Ouattara ? Selon vous, pourquoi le pouvoir Ouattara a-t-il réagi si brutalement, alors que, faire encadrer la marche par les forces de l’ordre aurait suffi ?
Il faut attirer l’attention de tous sur ce que, depuis qu’il a décidé de continuer à gouverner la Côte d’Ivoire en 2020, soit par un troisième mandat pour lui-même, ou en y installant quelqu’un de son sérail, Alassane Ouattara a crânement décidé de passer à une autre vitesse à ne plus s’embarrasser de contorsions pour se faire passer pour un dirigeant moderne, ’’libéral’’ ou éclairé. Il a décidé désormais d’endosser l’armure du vrai dictateur impitoyable qu’il a toujours été.
Depuis le 22 mars 2018 , Ouattara nous a donné un signal fort de ce qu’il n’acceptera plus l’expression du droit minimal reconnu par la constitution qui est celui de manifester pacifiquement sur la voie publique. Tous les partis politiques de l’opposition et les organisations de la société civile se doivent d’intégrer ce nouveau paramètre, et d’adapter à l’avenir leurs actions publiques à cela. Tout en gardant vivace à l’esprit qu’en aucune manière et pour rien au monde il ne faut baisser les bras et se résigner, car c’est ce qui est recherché par tous les dictateurs, et c’est le cadeau à ne pas faire à Ouattara, il ne faut pas abandonner le peuple ivoirien à son triste sort ! La démocratie est en grave recul en Côte d’Ivoire, et nous nous trouvons, objectivement et dans les faits, dans la situation des pays africains à régime dictatorial et violent, et ou les régnants ont décidé de ne pas quitter le pouvoir, contre toute règle démocratique !
Tous les Ivoiriens, toutes les Ivoiriennes, sans considération d’appartenance politique, devraient s’élever contre cette dérive, avant que l’on n’atteigne le point de non retour !
Vous semblez soupçonner Ouattara d’avoir désormais opté pour l’instauration d’une dictature totale et implacable ?
Mais pour conserver le pouvoir en 2020, et au-delà, comme il l’a décidé, il n’a pas d’autre choix, et il n’y a pas d’autre voie ! Si vous observez bien, vous verrez qu’Alassane Ouattara a d’abord magistralement appliqué la formule de la division des adversaires pour les affaiblir, les circonscrire et en faire des accompagnateurs passifs de règne !
Tous les partis politiques qui ne sont pas de son bord sont plombés par une dissidence. Il en va de même pour les syndicats et même les Ong ! Il semblerait même que les grandes centrales religieuses soient elles même atteintes, sans exception ! Ouattara est si perfectionniste dans son machiavélisme que même son grand allié devant l’Eternel, le Pdci, commence à connaître les mêmes séismes, et tout cela de par sa seule volonté de dominer, écraser et accaparer.
Que fait la communauté internationale qui ne peut pas prétendre ne pas voir cette dérive antidémocratique ?
Mais justement, le plus fort, dans l’art de Ouattara, est qu’il a réussi à contenir et surfer sur les pressions de la communauté internationale devant ses graves travers de gouvernance, et ce de manière aussi flagrante que révoltante ! Ainsi, il assure à tous vents avoir ordonné de libérer les 300 détenus politiques qui croupissent dans ses geôles, mais il ne le fait pas, alors que toutes les Chancelleries et toutes les Institutions Financières Partenaires au développement n’arrêtent pas de le lui rappeler. Il va jusqu’à narguer le monde entier en déclarant qu’il n’y a pas de prisonniers politiques en Côte d’Ivoire ; c’est d’ailleurs le lieu de trouver bien étrange que quelqu’un dont le régime ne tient que par les emprunts sollicités sans discontinuer, semble faire si peu de cas des avis des mêmes bailleurs de fonds et argentiers qui le maintiennent sous perfusion ! Comprenne qui pourra ! Il en va de même pour la Commission électorale indépendante (Cei) pour laquelle l’arrêt de novembre 2016 de la Cour d’Arusha devrait imposer à tous les Etats et à toutes les Institutions se référant à l’Onu de suspendre tout rapport et toute collaboration avec Ouattara et son gouvernement jusqu’à la mise en place d’un organe électoral plus équilibré et plus démocratique, conçu et adopté dans un large consensus de toutes les forces politiques et sociales du pays. Les exemples sont légion, et le dernier, celui qui est le plus d’actualité et est désormais le ciment de toutes les actions et messages de Eds, du Mfa, de l’Urd et de toutes les organisations politiques et de la société civile solidaires, est qu’il est plus que temps pour que Alassane Ouattara accepte d’engager un échange et un dialogue francs et de vérité sur la situation que connait la Côte d’Ivoire , dans tous les domaines, aujourd’hui en 2018. Là encore, Alassane Ouattara fait la sourde oreille, et se comporte comme si ces forces politiques et de la société civile n’existaient pas !
Que va faire cette opposition ?
Mais elle va continuer, continuer, et encore continuer !!! Tant que la Côte d’Ivoire et son peuple sont dans la détresse que nous voyons aujourd’hui, il ne sera pas question d’arrêter et de se déclarer fatigués les premiers ! Il s’impose juste que le mode opératoire soit réétudié et adapté à la nouvelle posture de Ouattara quant au respect de la constitution, de la démocratie et des droits de l’homme !
En plus des actions sur le terrain, pour impliquer sans cesse la population qui, au final, est toujours la grande maîtresse des issues, Eds, le Mfa , l’Urd et leurs partenaires peuvent désormais explorer la voie de la sélection de nouveaux médiateurs dans la crise ivoirienne, institutions, organismes, chefs d’états ou personnalités de notoriété internationale, etc.…
Comme vous le voyez, l’opposition est à la tâche… Ouattara finira par comprendre que tout le monde gagne à échanger, et le pays en premier.
Une correspondance particulière