Dans une requête mémorable introduite le 07 octobre 2019, Me Emmanuel Altit et associés demandaient à la CPI « d’ordonner la mise en liberté immédiate et sans condition » du Président Laurent Gbagbo. Ils soutenaient que la semi-liberté imposée à leur Illustre client « n’était fondée ni juridiquement ni factuellement ». L’audience du 06 février 2020 qui s’en est suivie avait donc un objet clairement identifié : examiner les arguments des parties à ce procès aux fins de lever ou pas les restrictions à la liberté du Président Laurent Gbagbo et du Ministre Charles Blé Goudé.
Le procès entrait ainsi dans une phase décisive et c’est ici que se produisit un coup de théâtre inédit depuis 8 ans que durait cette sombre affaire. Le gouvernement de Côte d’Ivoire qui, comme l’avait clairement affirmé Me Emmanuel Altit, n’était en rien partie au procès, dépêcha à la Haye ses avocats avec comme porte-parole Me Jean-Pierre Mignard. Il s’agissait de suppléer au naufrage que constituait pour le gouvernement ivoirien l’échec retentissant de la Procureur Fatou Bensouda, après la décision sans appel adossée à ce cinglant : « des preuves d’une exceptionnelle faiblesse » de la chambre de première instance de la CPI. De l’intervention de Me Mignard, nous retiendrons pêle-mêle : « Laurent Gbagbo reste au procès… » malgré l’acquittement… ; « nous insistons pour que cette procédure aille jusqu’au bout… la justice est de tout temps et doit aller jusqu’au bout…, nous sommes les avocats d’un gouvernement qui est garant de l’ordre public dans son pays… ». En ces termes, cet avocat plus politicien que juriste faisait écho à un autre de sa bande, Me Meïté qui affirmait plus nettement encore à l’endroit du Président Laurent Gbagbo : « il nous semble bien tôt que Laurent Gbagbo revienne dans son pays ».
Sous le feu roulant des critiques du monde politique de tous les continents, des spécialistes du droit, des intellectuels de tout bord et de toutes les disciplines, la CPI et M. Dramane Ouattara organisent une véritable nécrose politicienne. La chambre d’appel laisse hypocritement pendante sa décision de libérer purement et simplement des personnes acquittées et lavées « de toutes les charges qui pesaient contre elles ». Pour faire bonne mesure et tenter de redorer son image totalement ternie, cette cour pénale internationale fabrique un clair-obscur en desserrant juste un peu l’étau des entraves aux libertés de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. Elle donne théoriquement l’illusion qu’ils peuvent, s’ils le désirent, rentrer dans leur pays. M. Dramane Ouattara a donc carte blanche pour mettre en place des manœuvres d’exclusion du Président Laurent Gbagbo de la scène politique de son pays en tant qu’acteur direct. Tout se passe comme on le ferait d’un oiseau auquel on attache un fil à la patte en faisant croire qu’il est libre de s’envoler. Ainsi chaque fois que ce sera nécessaire, la cour constitutionnelle ivoirienne qui est à la solde de M. Dramane Ouattara sera activée pour rejeter toute participation du Président Laurent Gbagbo, voire de ses plus proches collaborateurs, comme actuellement le Ministre Justin Koné Katinan ou M. Damana Adia Pickass et bien d’autres, à toutes compétitions politiques.
Ces agissements mafieux ont pour but essentiel de mettre Laurent Gbagbo à la retraite de la vie politique. Voilà comment une décision d’acquittement claire se transforme en une honteuse et cynique nécrose politicienne. M. Dramane Ouattara peut alors organiser un odieux chantage de bas étage à l’abri de l’opinion publique pour tenter d’obtenir la reddition pure et simple du Président Laurent Gbagbo si celui-ci veut rentrer dans son pays, la Côte d’Ivoire. Il essaie ainsi d’arriver par d’autres voies à ce à quoi l’effroyable et sanglante guerre qu’il a déclenchée en 2010-2011 ou bien l’acharnement d’un procès en sorcellerie de 8 ans, sans compter le financement ou encore l’organisation de l’émiettement du FPI de Laurent Gbagbo, ne lui ont guère permis d’accéder jusque-là. Quelle constance dans la haine et l’inextinguible soif de destruction !
Que M. Dramane Ouattara et son régime, mais aussi ses complices en Côte d’Ivoire ou à l’extérieur, ne croient pas un seul instant que nous ignorons toutes ces basses manœuvres ! Mais autour du Président Laurent Gbagbo nous ne disposons ni d’armes létales ni d’armées pour les servir. Nous sommes des démocrates. Mieux, nous sommes pour beaucoup d’entre nous des Ivoiriens ou de vrais amis de la Côte d’Ivoire qui savons que nous avons tout à perdre dans la violence : notre pays, des amis, des parents, une jeunesse innocente… bref, des vies. Nous sommes profondément convaincus que seules la paix et la réconciliation non contraintes préservent la cohésion des peuples et surtout les vies humaines. Trop de sang a coulé, trop de larmes aussi pour en rajouter chaque fois une couche douloureuse supplémentaire. Mais ce dont nous sommes totalement certains par-dessus tout, c’est que l’Histoire a une mémoire qui sait se souvenir.
Raphaël DAGBO
Président de l’Association des Amis de Laurent Gbagbo