Dans le souci de comprendre la nature, le fondement et le mystère de la cohabitation des singes avec les populations du village de Gbétitapia, village situé à 11 kilomètres de Daloa sur l’axe Daloa-Issia, nous avons rencontré « l’adorateur » Jean Claude Gnogbo Nahounou, dans son village.
L’origine de la cohabitation des singes avec les habitants de Gbétitapia
Selon l’adorateur Jean Claude Gnogbo Nahounou, les singes de Gbétitapia vivent dans son village depuis l’avènement de la colonisation, en 1900. « Les colons sont arrivés dans la région de Daloa en provenance d’Issia, et ont assassiné Rabé Boguhé, le chef du canton Gbalouan Sud composé de 17 villages. C’est quand Zokou Gbeuly a demandé à Rabé Boguhé d’empêcher les colons de rentrer dans Daloa que ce dernier a dressé une embuscade sur la route d’Issia. Le Lieutenant Adrien est tombé dans l’embuscade en voulant prendre un régime de bananes douces mûres que les populations ont accrochées en vue d’attirer les Blancs. Car, Rabé Boguhé, depuis Sassandra a remarqué que les Blancs adorent la banane douce. Alors il a accroché ce régime de banane douce pour obliger les Colons à marquer un arrêt à leur passage en vue de les tuer tous. Ils se sont arrêtés effectivement et le guerrier Guédé Rabé a tiré à bout portant sur le lieutenant Adrien qui est tombé sur le champ », a-t-il soutenu.
Rabé Guédé a été pris et fusillé aux poteaux à Daloa
Malheureusement pour Rabé Gboguhé, un Néo qui était l’éclaireur du contingent des colons a livré le secret de résistance de Rabé Gboguhé et de son petit frère Rabé Guédé qui a tendu l’embuscade. Pris de colère, les colons ont décidé d’arrêter à tout prix Guédé Rabé. Ils sont plusieurs fois revenus le chercher. Chaque fois, Rabé Guédé se métamorphose en une belle demoiselle ou en un mouton ou en un coq blanc. Malheureusement, dans le groupe des colons il y avait un Néo qui a détaillé le secret de Guédé Rabé en dévoilant aux colons que la fameuse demoiselle qu’ils trouvent chaque fois dans la cour de Rabé Guédé, n’est autre Rabé Guédé lui-même. Le totem du fétiche de Rabé Guédé étant transgressé, il n’a pu se métamorphoser en demoiselle et les colons l’ont pris pour aller le mettre au poteau et le fusiller. Plusieurs coups de fusils ont été tirés, mais les balles ne l’ont pas atteint. C’est à ce moment précis que Guédé Rabé a demandé aux colons de lui permettre de parler à son cousin à qui il a alors donné le fétiche qui le rendait invulnérable. Aussitôt fait, la balle tirée l’a tué sur le coup. Pourquoi a-t-il lui-même aidé les Blancs à le tuer ? On n’en sait pas grand-chose. C’est à partir de là que commence le mystère. Il est revenu en rêve dire à Rabé Boguhé qu’il revient avec ses autres frères qui sont tombés au front pour vivre avec les habitants de Gbétitapia. Mais métamorphosés en singes. C’est depuis ce jour que nous vivons avec ces singes.
Les singes, solidaires des habitants de Gbetitapia
Comme des humains, les singes de Gbétitapia compatissent aux malheurs qui frappent le village à leur façon. Les singes viennent se promener au village. J’ai le devoir de leur donner à manger à la maison trois fois par jour. Si la mort frappe le village, ils se regroupent sur les gros arbres et refusent de manger. Si l’un d’entre eux tombe malade, ce dernier vient à la maison et si possible, nous le soignons. Si le pire arrive, ses frères forment un cercle autour du cadavre en forêt et aucun ne vient manger à la maison. C’est un signal fort pour moi d’aller chercher le corps pour l’enterrer. Je me rends seul dans la forêt, je prends le corps dans un morceau percale blanche pour l’enterrer. Les singes m’entourent, poussent des cris et m’accompagnent au village, en étant dans les arbres. Ce sont nos frères et sœurs. Aucun habitant de Gbétitapia ne doit manger la chair du singe. Si un malheur doit s’abattre sur ta famille, les singes refusent de manger la banane que tu leur tends. Ils nous révèlent en songe, en rêve tout bonheur ou malheur qui va arriver à Gbétitapia.
Les singes invulnérables et protecteurs du village
En 2002, les rebelles qui ont tenté de prendre l’aéroport de Daloa, n’ont pas pu grâce aux cérémonies rituelles que les singes ont révélées au Général Zézé Barouan. Les rebelles qui ont tiré sur ces singes, non seulement n’en ont tué aucun, mais surtout ils sont tous morts une heure plus tard dans un accident de la circulation à quelques trois kilomètres de Gbétitapia. Tous ceux qui viennent pour des cérémonies, quand ils ont des problèmes, ils donnent un coq, une bouteille de liqueur et des bananes douces mûres. Je n’exige pas une somme d’argent pour laver ceux qui ont des problèmes et qui viennent les consulter. Si ton problème ne peut pas être résolu, les singes refusent de manger la banane que tu leur donnes. Nous ne commercialisons pas ce mystère. Il suffit que je tape la racine d’un arbre de leur forêt, ils descendent tous pour venir chercher leur nourriture.
Des singes venus d’ailleurs poursuivis et chassés de cette forêt sacrée.
Un singe venu d’ailleurs est combattu, poursuivi et chassé. Le géniteur se bat avec lui jusqu’à lui trancher la queue. La jalousie sur une guenon est ressentie par le village. Elle est très rude.
Joseph Gbeuly, à Daloa