Le report de l’élection au Sénégal met les droits en danger

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Les autorités doivent garantir les libertés fondamentales, encadrer les forces de sécurité et rétablir l’accès à Internet

DAKAR, Sénégal, 6 février 2024 -/African Media Agency(AMA)/-Le 3 février, le président sénégalais Macky Sall a annoncé que l’élection présidentielle, prévue pour le 25 février, serait reportée pour une durée indéterminée. Cette décision est intervenue la veille du début de la campagne officielle et accroît les risques de nouvelles mesures de répression à l’encontre des opposants.

Des gendarmes affrontent des manifestants lors d’une manifestation contre le report de l’élection présidentielle du 25 février à Dakar, au Sénégal, le 4 février 2024. © 2024 Cooper Inveen/Reuters

C’est la première fois dans l’histoire du Sénégal que des élections sont reportées. En annonçant ce report, Macky Sall a évoqué une crise institutionnelle qui, selon lui, pourrait nuire à la crédibilité de l’élection. Il a également réitéré son engagement à ne pas se présenter lui-même.

En janvier, le Conseil constitutionnel a décidé d’exclure du scrutin plusieurs candidats, dont le chef de file de l’opposition Ousmane Sonko et Karim Wade, fils de l’ancien président Abdoulaye Wade. Le parlement sénégalais a mis en place une commission d’enquête pour examiner la manière dont le Conseil a géré le processus de sélection après des accusations de corruption à l’encontre d’au moins deux juges de ce Conseil.

« C’est un saut dans le vide », a déclaré Alioune Tine, un activiste de premier plan dans le domaine des droits humains. « Le report brutal et anticonstitutionnel des élections plonge le Sénégal dans l’incertitude et la violence. »

Le 4 février, les forces de sécurité ont tiré du gaz lacrymogène pour disperser des centaines de manifestants qui étaient descendus dans les rues de Dakar, la capitale du Sénégal, en signe de protestation contre la décision de Macky Sall. Les gendarmes ont arrêté de nombreux manifestants, dont l’ancienne première ministre et candidate de l’opposition à la présidence, Aminata Touré, et Anta Babacar Ngom, elle aussi candidate, qui ont été relâchées le lendemain. Un autre candidat à la présidence, Daouda Ndaiye, a déclaré à Human Rights Watch que les gendarmes l’ont frappé et brutalisé pendant la manifestation. Le 5 février, les forces de sécurité ont de nouveau utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser des membres de l’opposition et des activistes rassemblés devant l’Assemblée nationale au moment où les députés se réunissaient pour voter sur le report de l’élection.

Human Rights Watch a déjà documenté l’usage excessif de la force par les forces de sécurité, notamment des tirs à balles réelles et des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants. Au moins 37 personnes ont été tuées au cours de violents affrontements depuis mars 2021, sans qu’aucune responsabilité n’ait été établie.

Le 4 février, le ministre sénégalais de la communication a retiré des ondes la chaîne de télévision privée Walf TV pour « incitation à la violence », et a annoncé des mesures de restriction de l’accès à l’internet mobile pour des raisons de sécurité.

Le Sénégal a longtemps été considéré comme un modèle de démocratie dans la région. Ce statut est aujourd’hui menacé. Les autorités devraient agir pour prévenir la violence, contenir les abus des forces de sécurité et mettre fin à leurs attaques contre l’opposition et les médias. Elles devraient respecter la liberté de parole, d’expression et de réunion, et rétablir Internet, pour remettre le Sénégal sur la voie de la démocratie.

Distribué par African Media Agency (AMA) pour Human Rights Watch.

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