ENTRETIEN-Elections en Afrique de l’Ouest en 2020/Père George William (Directeur de la Communication de la Conférence épiscopale régionale de l’Afrique de l’Ouest) : « La vie des populations est plus importante que le pouvoir »

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Père George William Nwachukwu. C’est le nom du tout nouveau directeur de la communication de la Conférence épiscopale régionale de l’Afrique de l’Ouest. Nommé en février 2019 pour un mandat de 3 ans renouvelables, il a pris fonction le 17 mars 2019 à Abidjan. Il remplace à ce poste l’Ivoirien Père Ernest Kouakou. Nous l’avons rencontré, en marge de sa présentation à la presse, le vendredi 4 octobre 2019, au siège de ladite conférence, à Abidjan. Entretien.  

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Qui est le père George William     ?

Je suis le père George William Chuwuemeka Nwachukwu. Je suis originaire du Nigeria.  Je suis le Directeur de la communication de la Cerao qui regroupe tous les évêques de l’Afrique de l’Ouest. Ils sont environ 200. Je suis en quelque sorte le porte-parole. Je me trouve entre le Vatican et les évêques en Afrique de l’Ouest. Lorsqu’il y a un message du Vatican, ça vient chez moi, et j’ai le devoir de montrer aux évêques dans la sous-région. S’il y a un message qui doit remonter au Vatican, il me revient de le faire. De ce fait, je suis obligé de connaitre tous les moyens de la communication en Afrique, en  Amérique, en Italie, en France, partout à travers le monde. A partir de ces moyens, je peux disséminer les informations à travers la Cerao. J’ai aussi le devoir de faire connaitre, de promouvoir la Cerao. En Afrique de l’Ouest, il y a le phénomène de la migration irrégulière, les groupes terroristes comme Boko Haram, les grands conflits fonciers, etc. C’est donc mon devoir de les porter à la connaissance du monde.

Quel est votre parcours ?

J’ai été ordonné prêtre en 1991. J’ai travaillé chez moi au Nigeria. J’ai aussi travaillé à la radio et la télévision. J’ai également géré le journal. En 1997, je suis allé au Gabon. Là-bas, j’étais le Directeur de la radio Sainte Marie durant 4 ans. Après je suis rentré au Nigeria. En 2003, j’ai été poursuivre mes études en Italie où j’ai obtenu un doctorat en communication sociale. Il faut préciser qu’avant le cycle doctoral, j’ai fait des études de philosophie et de théologie. D’Italie, je suis allé aux Etats-Unis où  j’ai également fait des études en communication. Puis, j’ai travaillé pour la plus grande télévision dans l’église catholique Iwtn en Alabama. Après j’ai travaillé à la paroisse de Boston. En 2010, je suis revenu au Nigeria. On m’a nommé Directeur de la communication. J’ai travaillé avec la radio et la télévision de l’Etat. J’ai lancé la radio de mon diocèse. C’est de cette radio qu’on m’a appelé pour ce travail à la Cerao. 

Quelle dynamique comptez-vous insuffler dans l’accomplissement de votre mission ?  

Avant mon arrivée à la Cerao, j’ai téléchargé leur site web. J’ai commencé à mettre en place Facebook, Twitter, You tube, Instagram, pour la Cerao.  Ce travail vise à faire connaitre la Cerao.  Je veux également  parvenir  à rapprocher anglophones et francophones, en faisant tomber la barrière de la langue. Il y aura des réunions périodiques de tous les Directeurs de Communication des différents pays de l’Afrique de l’Ouest…

Comment se porte l’église catholique en Afrique de l’Ouest  face à la montée en puissance des églises évangéliques ?

Nous avons beaucoup de problèmes au niveau de l’église. Au début, il y avait l’église catholique, et à un degré moindre, l’église protestante. Mais avec le temps, il y a beaucoup d’églises. Tous ces pasteurs n’ont pas forcément à cœur l’évangélisation. Ils cherchent l’argent. Ils font le marabout qu’ils appellent le miracle. Pour faire croire qu’ils sont puissants. On ne sait pas comment les arrêter parce que c’est la liberté des cultes. On essaie de former nos fidèles pour qu’ils distinguent qui est honnête, et qui ne l’est pas.  Malheureusement, dès que les gens tombent malades, ils ne prennent plus rien en compte. Lorsqu’on leur miroite la guérison, ils mordent à l’hameçon. Souvent, ils dépensent leur argent pour rien.  Au niveau de l’Afrique, surtout en Afrique de l’Ouest, on a des problèmes qu’on essaie de résoudre.

Des Chrétiens sont parfois la cible de Jihadistes. C’est le cas en ce moment, au Nord du Burkina Faso. Devant ce drame, quel message délivrez-vous aux fidèles pour qu’ils continuent de garder la foi ?

C’est terrible. On était au Burkina dans le mois de mai dernier. Tous les évêques. Il y a eu une attaque. On a sorti un communiqué pour demander aux gens de tenir dans la foi. Si vous lisez l’histoire de l’église, au commencement, il y avait beaucoup de persécutions. C’est vrai que ces persécutions venaient des païens. Maintenant, elles viennent des gens qui n’ont rien compris et qui ne comprennent rien de la religion musulmane. On ne peut que prendre quelques mesures sécuritaires pour sauver des vies. Dans des églises, il y a aujourd’hui des agents de sécurité.

En 2020, beaucoup de pays de l’Afrique de l’Ouest iront aux élections. Citons pêle-mêle la Guinée, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo…Quel rôle l’église compte jouer pour que ces élections soient apaisées ?

L’église n’a que la parole. On livre donc des messages. On discute avec les dirigeants. On leur demande de faire en sorte de réunir les conditions pour que les résultats ne donnent pas lieu à des violences. Ça vaut aussi pour les présidents qui ont fini leurs mandats constitutionnels. On leur dit de savoir laisser le pouvoir. La vie des gens est plus importante que le pouvoir. Chaque fois, notre hiérarchie envoie des messages.

Aux chefs d’Etat ?

Oui, aux chefs d’Etat et de gouvernement.

Vous parlez souvent avec eux ?

Bien sûr. J’ai dit qu’on était au Burkina. On a parlé avec le chef de l’Etat. Bientôt, il y aura des élections. Nous allons publier nos messages. 

Allez-vous vous impliquer comme ce fut le cas des évêques en République démocratique du Congo(RDC) ?

Je ne sais pas ce qui va se passer. Mais chez moi au Nigeria, on le fait. Il y a un comité dans notre église nommé « Comité de la justice et de la paix ».  Qui aide pour les élections. Pas en cachette. Pour que ça soit clair, honnête. Il assiste les gens qui gèrent les élections. Il travaille avec eux. Il prie avec eux.

Un message ?

Oui. Aux journalistes. Un journaliste, c’est un prophète. Dans nos pays africains, malheureusement, les journalistes ne sont pas des prophètes. Beaucoup de journalistes en Afrique n’ont pas le courage de dire la vérité.

N’est-ce pas un peu sévère quand on sait que des journalistes africains ont payé de leur vie leur amour pour la vérité ? Par exemple, le journaliste camerounais Puis Ndjawé, après avoir échappé à la mort, à maintes reprises, dans son pays, a fini par mourir dans un accident de la circulation aux Etats Unis, aux contours flous… 

Je comprends. Mais, il ne faut pas dire que le président n’écoute pas. Il écoute. Il lit ce que vous écrivez.

On vous reproche aussi, vous religieux, de ne pas dire aux gouvernants ce qu’ils doivent entendre. Vous êtes dans les généralités qui ne mettent pas toujours le doigt sur les dérives…

Ça arrive. C’est cela qui tient notre continent au sort. Mais je vous encourage, vous journalistes, à dire la vérité. Vous allez peut-être mourir, mais comme un Saint. 

Entretien réalisé par Tché Bi Tché

tbt552@yahoo.fr  

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