Chers compatriotes,
Vous venez de déposer à la Commission électorale indépendante (Cei) votre candidature aux élections sénatoriales à venir, et le Mouvement des forces d’avenir(Mfa) salue votre sens civique et votre volonté manifeste de vous investir dans le long et ardu chantier d’édification d’un état moderne en Côte d’Ivoire, basé sur la démocratie et le souci d’assurer le minimum de bien-être et de bien vivre aux populations de notre pays.
Le Mfa part du principe que c’est la bonne foi et l’idéal de servir la nation qui vous guident, et c’est sur ce présupposé qu’il va se permettre d’attirer votre attention sur quelques petits points.
En effet, le 6 février 2018, des partis politiques de l’opposition ont adressé une correspondance au Chef de l’Etat l’invitant à veiller à ce que la Commission électorale indépendante(Cei) soit reformée, en exécution de l’arrêt du 18 novembre 2016 de la Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, avant toute nouvelle élection en Côte d’Ivoire. Nous vous invitons à revenir sur la réponse du Chef de l’Etat assurée par le Ministre d’Etat en charge du dialogue politique, en date du 26 février 2018 et référencée N°061/ 2018/ MEPR-DPRI/ SYK/ AG/ ba. Tout d’abord, le Chef de l’Etat concède que cet arrêt est « obligatoire », c’est-à-dire que cet arrêt à un caractère exécutoire, conformément à l’article 30 du protocole relatif à la Charte africaine portant création d’une Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples qui dispose : « Les Etats parties au présent protocole s’engagent à se conformer aux décisions rendues par la cour dans tout litige où il est en cause et à en assurer l’exécution dans le délai fixé par la cour ».
La Côte d’Ivoire est Etat partie du protocole.
Dans le même courrier, le Chef de l’Etat pose que « la Côte d’Ivoire est consciente du respect de ses engagements internationaux, et n’entend pas s’y soustraire »
Poursuivant, il rassure de la volonté du gouvernement ivoirien de réexaminer la loi sur la Commission électorale indépendante (Cei) dans le cadre de son programme de « reformes institutionnelles induites par la Constitution du 8 novembre 2016 ».
Puisque le Chef de l’Etat ne remet aucunement en cause l’arrêt de la cour d’Arusha, ainsi que son caractère contraignant, nous ne pouvons qu’inviter tous les candidats à avoir présent à l’esprit qu’en ce qui concerne les élections programmées par le gouvernement, leur tenue est évidemment tributaire des conséquences engendrées par l’existence de l’arrêt de la Cour africaine.
En effet, toute décision de justice, rendue définitive, met fin à une situation antérieure et en crée une nouvelle.
C’est le cas de l’arrêt de la Cour africaine, décision de justice, émanant de surcroit, d’une juridiction internationale et ayant une autorité supérieure à celle des lois nationales (article 123 de la Constitution de 8 novembre 2016 :
─ 1ère conséquence de l’arrêt de la cour : il rend nulle la loi n°2014-335 du 18 juin 2014. Celle-ci est désormais dépourvue de base légale
─ 2e conséquence résultant de la première : la loi organisant la Commission électorale étant nulle, cette nullité entraine de facto l’incompétence de celle-ci à agir.
─ 3e conséquence découlant de la deuxième : le gouvernement ne peut confier l’organisation d’une élection à une structure frappée d’incompétence.
En raison de ce qui précède, cher frère candidat au Sénat, la programmation des élections par le gouvernement est certes légale, mais leur organisation ne peut être confiée à la Commission électorale indépendante (Cei) tant que sa composition n’est pas modifiée, comme l’exige la Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
Si l’arrêt est obligatoire, c’est-à-dire exécutoire, les conséquences qui découlent de son exécution s’imposent indéniablement à l’Etat de Côte d’Ivoire.
En conclusion, la Constitution de 8 novembre 2016, qui fait obligation au Président de la République d’assurer l’exécution des décisions de justice (article65), lui demande de veiller au respect de cette constitution et fait de lui le garant du respect des engagements internationaux (article 54).
Tout ce qui précède, et qui ne procède que du souci d’approfondir et consolider l’état de droit et la démocratie en Côte d’Ivoire, nous amène à vous interpeller, vous tous les candidats aux élections sénatoriales, sur ce qui peut paraitre procéder d’un vaste plan pour piétiner encore plus la démocratie en notre pays.
En toute conscience et en toute honnêteté, aucun de vous ne peut balayer du revers le fait que l’opposition n’ait déposé aucune candidature. Les latins disaient que l’erreur est humaine, et que c’est y persévérer qui relève du diable.
Aussi, chers frères, n’est il pas enfin grand temps, pour nous tous, d’arrêter de réduire la chose politique à notre seul égo et à notre volonté de rayonnement social ?
Aller à ces élections vaut reconnaissance de la Cei, en 2018, comme bientôt pour 2020, et n’allons nous pas tout droit vers une nouvelle crise électorale ?
Votre responsabilité vis-à-vis de la nation est grande, prenez en conscience, et pendant qu’il est encore temps, ayez le juste sursaut !
Vive la Côte d’Ivoire, notre grande maison commune !
Bien fraternellement
Abidjan, le 12 mars 2018
KOBENA. I.ANAKY
Président du MFA