La situation est Dantesque. Fini le temps où l’église catholique poliçait le langage pour parler à Ouattara. « La paix que nous recherchons est également chemin de réconciliation dans la communion fraternelle. Au nom donc de cette réconciliation, je demande humblement à vous, M. le Président de la République, vous qui détenez le pouvoir de la grâce présidentielle, de bien vouloir accepter de faire sortir du cachot tous ceux qui ont été arrêtés, suite aux derniers événements que connaît notre pays » cinglait Mgr cardinal Kutwa, à la messe dédiée à la paix, le 31 décembre 2019. Le caractère sélectif du plaidoyer a certes valu à son auteur quelques piques. Mais la spontanéité fera date. Côté préséance, était-ce le cadre ? Pourquoi le faire ouvertement ? Pourquoi user d’un vocable comme « cachot », qui renvoie à une cellule sombre et exigüe ? Chose qui donne de notre chef l’image d’un tortionnaire ? Une batterie de questionnements qui en appelle un autre : y a-t-il prégnance du code canonique sur le code civil ? On dit couramment que c’est Dieu qui établit toute autorité. Ou encore toute autorité émane de Dieu. Sur cette base, et faisant abstraction du droit des Athées et autres partisans des Komians (Génies), on peut affirmer que les élus de Dieu ont, en quelque sorte, un pouvoir non écrit sur les civils. Au point d’épingler publiquement notre chef ? La Côte d’Ivoire étant laïque, on est tenté de dire qu’il n’appartient pas à un religieux de dire à notre chef ce qu’il a à faire. Sauf qu’ici, le monde religieux n’est pas un empire dans un empire. Les guides religieux sont parmi le peuple. Ils vivent avec ses émotions, ses angoisses, ses souffrances. Les apaiser fait partie de leurs missions. Eduquer le peuple à faire le bien, à pardonner quelles que soient les meurtrissures, font également partie du sermon. Leur silence devant les dérives des gouvernants serait vu comme une complicité. Ce n’est donc pas tant la forme (en public ou en privé) du discours du religieux qui compte, mais plutôt le contenu. Car, la forme que prend la charge du religieux dépend en grande partie de nos gouvernants. Un proverbe bien de chez nous dit : « Si tu parles à ton enfant en privé, qu’il fait la sourde oreille, tu finiras par lui parler en présence d’inconnus ou en public ». Les vérités de l’église catholique au régime sont le résultat d’un ras-le-bol. Qui, à son tour, est le résultat de l’attitude de notre chef, carré sur les bords qu’il confond avec un « dur », à n’écouter aucun conseil dans le sens de la réconciliation nationale, au point mort depuis son lancement.
Et comme « l’histoire est maîtresse de vie », dixit les évêques, ceux-ci ont décidé de prendre à témoin l’opinion nationale et internationale, en formulant publiquement, en trois points, leur offre pour des élections apaisées en 2020. Lesquelles élections avancent à pas vifs. Primo, selon eux, il faut formaliser la réconciliation nationale qui est aujourd’hui vide de contenu. « Cette réconciliation suppose, voire exige le retour des exilés avec des garanties de sécurité et de réintégration, la libération de tous les prisonniers politiques et d’opinion, sans exception et le dégel des avoirs », proposent-ils.
Deuxio, les évêques voient-ils dans la concertation et le consensus, pour prendre en compte les exigences et les aspirations légitimes de tous les acteurs sociopolitiques, la deuxième condition d’élections apaisées.
Tertio et enfin, « La troisième condition doit être l’instauration et la consolidation de l’Etat de droit qui implique le respect de la Constitution, afin que personne ne nourrisse l’intention ou la volonté de manipuler les personnes, les textes ni les institutions qui seront impliquées dans le processus électoral ».
Suspicion on ne peut plus légitime, quand on sait que notre chef veut modifier la Constitution, votée seulement en…2016. De vous à moi, quel événement majeur qu’a connu notre pays qui oblige à modifier notre loi fondamentale ? C’est clair que ce n’est pas dans l’intérêt du peuple. Si tel était le cas, Ouattara n’aurait pas entouré cette modification de tant de mystères. À dire vrai, calculette en main, Ouattara veut offrir le pouvoir à son clan. Si cela passe par le piétinement de nos lois, chose qui semble être dans l’ADN de ce régime, il le fera. Les jérémiades de salon n’y feront rien. Peut-être que le salut viendra du Droit Canon. Avec la marche des catholiques projetée le 15 février prochain.
Tché Bi Tché
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