8e édition du festival de Conte Ahoko Kouah’in de Bouaflé : Alexis Djisso, la star de « Mensonge d’un soir » harangue la foule à Krigambo
La huitième édition du Festival Ahoko Kouah’in de conte s’est ouvert samedi 27 février 2021 dans le village de Krigambo dans la sous-préfecture de Kpakpabo dans le stricte respect des mesures barrières du Covid-19 avec les jeux traditionnels de clair de lune en Afrique. Tous les conteurs de ce soir au nombre desquels on comptait la légende de cet art en Côte d’Ivoire Alexis Djisso pour avoir montré son génie dans l’exercice de cette discipline pendant plus de 20 ans à la télévision ivoirienne dans l’émission « Mensonge d’un soir ». Les populations ont pu déguster le spectacle du jeu de Toupie. La veillée qui promettait de se tenir dans la pure tradition du conte en pays baoulé a démarré par les devinettes appelées en baoulé « ngwa tika tika » ou « talé talé ». C’était à vingt-trois heures passée de quelques petites minutes. Et c’est le commissaire général de ce festival Koffi Koffi, lui-même conteur sur les traces d’Ahoko Kouah’in, qui a abreuvé le public de ces petites formules de défi impliquant observation, mémoire et intelligence. Après une dizaine de minutes de cette joute, Koffi a ouvert la veillée (oussa ngwa anou : dire bonsoir au conte, en baoulé) par les deux chants consacrés en pays ayahou. Passé ce cérémonial, il a dit deux contes pour enfants avant de laisser la place à la paire Djê Yobouet et Goli Orcel dit M’Baha. Les deux jeunes ont offert trois récits au public de près de cinq cents personnes réunies. Après eux, une autre paire composée de Kouassi Elias (étudiant) et Oka Abraham a dit trois contes, puis cédé la scène à la mascotte du festival. Quand Alexis Djisso se lève à 24 heures passées pour entrer dans le cercle, c’est une clameur qui accueille le natif de Zikisso devenu citoyen d’honneur de Krigambo. L’artiste exécute d’abord « I na djè mon issi » en solo, puis lance sa formule célèbre : « Apa ziribo titi mati ». Le public lui répond en chœur : « matiassa », déformation de « Nadéa ssa ». La machine est lancée. Deux récits de Djisso mènent le public au-delà d’une heure du matin. Puis il entonne le chant célèbre relatant la déconvenue du génie Animanglè : « Animanglè’oooo Animanglè ». Le public chante avec lui. C’est presque le délire. Les bananes et les ignames braisées par Affoué Honorine passent de mains en mains. La boisson et le café circulent aussi. La soirée est festive. La honte n’a plus sa place. Elle se rebiffe. Alors des Krigambofouè jamais soupçonnés se lancent dans le cercle. Ces conteurs occasionnels sont bien décidés à montrer de quoi ils sont capables. Amani Kouassi Jean, conteur solitaire bien inspiré arrive pour une demi-douzaine de contes. Les paires passent et repassent, Amani Kouassi Jean aussi. Djê Yao Apollinaire surprend le cercle de la parole agréable avec cinq contes d’affilée qui arrachent des applaudissements. Quand sonne la quatrième heure du jour, Koffi Koffi revient en vedette, pour les besoins du reportage de CITV. Il déroule une dizaine d’histoires tirées du répertoire de feu Ahoko Kouah’in disparu le 12 février 2012 et dont le festival honore la mémoire. Cette fois, sa prestation en français commence par deux contes paillards : « Ngboutchouè » et « Agbangbo lafiman », puisque seules les personnes âgées sont encore en éveil. Il se donne à cœur joie, prolongeant à souhait les séquences chantées pour réveiller et communier avec le public. A cinq heures dix au petit matin de dimanche 28 février 2021, la messe du conte était dite, et dans la pure tradition du pays ayahou. Nanan Djê N’dri, chef du village, et son épouse pouvaient se retirer, de même que nombre de ses notables qui ont tenu à revivre la belle tradition. La mémoire d’Ahoko Kouah’in venait de se prolonger encore une fois, tout comme celle de l’art du conte menacé de disparition. En marge de cette édition en vase clos, Arterial Côte d’Ivoire qui avait promis des couverts à la cantine scolaire offerte à l’édition 2020 à l’EPP Krigambo par Maître Ouffoué Bernard, notaire et fils du village, a offert cent vingt assiettes aux couleurs nationales et cent vingt verres. Adonaï Auto Ecole qui avait également offert vingt permis de conduire au festival en 2020 a procédé à la sensibilisation, à l’inscription et au premier cours de code aux jeunes bénéficiaires. Initié par l’association Point de lecture dirigé par Koffi Koffi, le Festival Ahoko Kouah’in de conte de Krigambo se tient en février de chaque année depuis 2014. En plus d’honorer la mémoire du talentueux Ahoko Kouah’in, il vise à sauvegarder et promouvoir le conte traditionnel africain. Chaque année, il invite les dernières mémoires de cet art à venir partager leurs textes dans leurs langues maternelles.
Renaud D et sercom