« La liberté de la presse en Côte d’Ivoire : mythe ou réalité » c’est l’un des sous-thème que l’Union Nationale des journalistes de Côte d’Ivoire a soumis à la sagacité de l’un de ses maitres : Alfred Dan Moussa, Directeur général de l’ISTC Polytechnique dont l’expertise en matière de communication en général et de journalisme en particulier n’est plus à démontrer. Après avoir rondement mené le débat, égrené un chapelet d’actes et de mesures du gouvernement pour le secteur, notamment l’appui à l’impression sans préjugés de lignes éditoriales, dans l’écosystème des médias, il est arrivé à la conclusion que la liberté de la presse n’est pas un mythe en Côte d’Ivoire. Lorsque le maitre parle, l’élève s’efface. Mais comme ce débat nous concerne aussi, nous voulons y participer, en ayant à l’esprit qu’il ne s’agira pas de venir corriger le maitre. Ce qui serait trop prétentieux de notre part. Quelques résultats en matière de respect de la liberté de la presse sont probants. De la 66e place en 2021, le pays a bondi à la 37e place en 2022. Un gain d’environ 29 points qui reconnait les efforts du pays. Et ces efforts ont pour nom l’appui au développement des médias, le non harcèlement des journalistes. Dès lors que le pouvoir a rompu ce modus operandi, en actionnant l’organe de régulation, l’ANP, pour suspendre le quotidien Le temps, le pays ne pouvait que végéter dans le ventre mou du classement. Il faut l’expliquer la seconde suspension du quotidien Le Temps, en l’espace d’un mois est venu du garde des sceaux, ministre de la justice qui a estimé que le journal a porté atteinte à l’honneur des magistrats en publiant la photographie de la juge du 10e cabinet dans l’affaire des 26 militants du PPA-CI, arrêtés alors qu’ils étaient allés accompagner leur secrétaire général convoqué par ledit cabinet. Si une simple photographie d’une personnalité, de surcroit publique, doit conduire à la suspension d’un journal, c’est que la liberté de la presse est malmenée dans ce pays. Et ce n’est pas tout. Admettons que le journaliste ait manqué aux règles d’éthique et de déontologie de son métier, est-il normal que toute une entreprise soit mise à l’arrêt pour une faute professionnelle. Dans d’autres administrations, des sanctions disciplinaires sont prévues et c’est tout. Pourquoi diantre pour un manquement d’un journaliste, on doit mettre en péril le travail de plusieurs autres personnes dans l’entreprise de presse. C’est clair que la loi qui autorise l’ANP à sanctionner et le journaliste et l’entreprise est dépassée. Il faut la corriger. La reculade de la Côte d’Ivoire de 17 points en 2023 dans le classement de Reporter Sans Frontières montre que des faiblesses ont surgi dans le rapport des autorités avec les médias. Allez-y comprendre qu’en ce moment, EDIPRESSE dont le capital est détenu majoritairement par l’état et Snedai d’Adama Bictogo impose aux éditeurs une distribution des journaux à la carte. En effet, si vous tirez 10 000 exemplaires, Edipresse ne prend qu’au plus 1000 ou 2000 exemplaires, pour sa distribution. Les 8000 restant ne vont pas sur le terrain et constituent de facto des invendus. La maison qui a curieusement le monopole de la distribution des journaux en Côte d’Ivoire explique cela par la difficulté qu’elle a à retourner les invendus sur Abidjan. Elle évoque des moyens de locomotion limités. Est-ce la faute aux éditeurs si Edipresse connait des difficultés ? Le pouvoir qui est informé de cette anomalie ne fait rien pour permettre aux éditeurs de vendre convenablement les produits issus de la presse. « C’est pourquoi, M. le Porte-parole du Gouvernement, nous vous prions d’œuvrer pour la satisfaction de ces quelques doléances : Pour la presse écrite :
– Revoir toute la chaîne de production et de commercialisation du journal papier en Côte d’Ivoire. Renforcer la formation continue, par un accès plus facile des professionnels de médias aux formations de pointe en Côte d’Ivoire, comme à l’extérieur
– Restructurer en profondeur Edipress, en ouvrant notamment son capital à l’entreprise de presse privée pour une meilleure gestion de la distribution en Côte d’Ivoire
– Subventionner l’impression des journaux de sorte à faire baisser les coûts de production
– Annuler les dettes fiscales des entreprises de presse
– Prendre en charge les dettes sociales
– Augmenter substantiellement les fonds mis à la disposition de l’Agence de soutien et de développement des médias. Mettre en œuvre notamment la subvention de 0,01% du budget de l’Etat au secteur des médias. Soit en l’Etat actuel 13 milliards de F CFA. En la matière les médias peuvent être un débouché pour les jeunes en quête de premier emploi. Il faut donc qu’un plan de sauvetage du secteur puisse bénéficier des fonds mis à la disposition du ministère de la jeunesse. Un dialogue avec le ministère de la jeunesse est donc nécessaire pour trouver les mécanismes utiles » plaidait le porte-parole des organisations professionnelles des médias à la célébration de la 30e journée mondiale de la liberté de la presse le 3 mai 2023. Face au tableau peu reluisant, nous sommes de ceux qui pensent que la liberté de la presse en Côte d’Ivoire n’est ni un mythe, ni une réalité. Elle est une quête perpétuelle. Tomber dans l’autosatisfaction serait une grave erreur.
Par Tché Bi Tché