GRACE PRESIDENTIELLE ACCORDEE A 51 PRISONNIERS DE LA CRISE POST-ELECTORALE DE 2011 : QUID DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT DE LA CDVR ?

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Il faut sans doute se réjouir de ce que cette mesure de grâce prise par le chef de l’Etat permette à ces 51 personnes de retrouver leur liberté et leur famille. Je pense néanmoins qu’on pouvait mieux faire. Ces mesures, pour importantes qu’elles sont sur l’avenir de la nation, ne devraient pas relever d’actes individuels et unilatéraux de pardon, mais plutôt de la mise en œuvre des recommandations issues du rapport de la Commission Dialogue Vérité et Réconciliation (CDVR), mise en place par le Président de la République lui-même entre 2011 et 2016, et qui a néanmoins coûté 16 milliards de Francs CFA aux contribuables ivoiriens.

 

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L’importance de la tâche du retour sur le passé des violences que le pays a connues pour parvenir à une réconciliation nationale nécessité un processus et des réflexions holistiques et communes. Il en est de même pour la construction d’un monument pour les victimes annoncée à Adjamé qui normalement devrait résulter d’un processus de recherche de la vérité, et de réparation aux victimes (à toutes les victimes sans exception), reconnues comme telles. Au surplus, il faut des réflexions sur l’utilité et la fonction vraiment réparatrice d’un tel édifice pour éviter qu’il ne finisse comme le mémorial construit en 2001 par l’ex Président Gbagbo en 2001 à Adjamé- Liberté, sans consultations préalables. Là encore, le rapport de la CDVR aurait pu servir.

 

Faute de le faire, nous sommes en droit de nous poser de nombreuses questions :

 

– Sur la base de quoi ces personnes ont-elles été sélectionnées pour bénéficier de la grâce ?

– pourquoi ces 51 personnes et pourquoi seulement maintenant ?

– Les victimes auxquelles le Président de la République adresse sa compassion ont été sélectionnées selon quel processus ?

 

– Le mémorial pour les victimes, annoncé pour les victimes à Adjamé repose sur quel fondement ? Y a-t-il seulement eu des victimes à Adjamé ?

 

Depuis plus de 20 ans, les différents régimes en Côte d’Ivoire ont parlé de réconciliation et d’actes forts en ce sens, sans jamais y parvenir. Tant que la réconciliation sera perçue comme un cadeau offert par les différents Présidents de la République à des victimes que eux seuls choisissent, un cadeau offert à des bourreaux que eux seuls identifient, et tant que les réparations seront seulement ce qu’ils voudront, la Côte d’ivoire n’y parviendra pas.

 

Il faut un réel processus indépendant de justice transitionnelle qui repose sur :

– La recherche de la vérité

– les poursuites impartiales à l’encontre de tous

– les réparations

– Les garanties de non répétition

 

La réconciliation n’est pas un jeu qui reposerait sur seul bon vouloir et les seules inspirations du chef de l’exécutif, et qui la soumettrait à des calculs d’opportunité en fonction de l’actualité.

 

Faute de le faire, on tournera en rond sur le sujet de la réconciliation nationale et chaque régime, chaque Président ira de son inspiration et de ses préférences à propos de la réconciliation nationale.

 

Eric-Aimé SEMIEN 

Juriste, Président de l’observatoire Ivoirien des Droits de L’homme (OIDH)

 

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