« Si le Président Ouattara veut briguer un troisième mandat, il nous trouvera sur son chemin », a déclaré le chanteur reggeaman Tiken Jah Facoly, lors d’un entretien qu’il a accordé à France 24. Cette déclaration a surpris plus d’un. Car, l’homme, qui, jadis, dénonçait avec véhémence les écarts des régimes qui se sont succédé à la tête de la Côte d’Ivoire, a choisi de se murer dans un silence de carpe depuis que Ouattara a pris le pouvoir en 2011, à la suite de la crise postélectorale qui a fait plus de 3 000 morts (bilan officiel). Aucune déclaration sur les exactions commises par le pouvoir sur les populations jugées proches de l’opposition. Les massacres et les spoliations dont sont victimes les Wê, les occupations de domiciles privés, les gels des avoirs d’opposants, la détention prolongée de prisonniers politiques sont autant de faits qu’il aurait pu dénoncer s’il était vraiment un artiste engagé au côté du peuple. Mais, il a préféré l’Omerta, lui qui a pris parti pour des opposants en République Démocratique du Congo et dans divers pays africains pour dénoncer les actions de certains chefs d’Etat. Vu son attitude face à ce qui se passe en Côte d’Ivoire (son pays), l’on peut dire sans se tromper que Tiken Jah Facoly a choisi le camp de l’oppresseur. Et cette citation de Desmond Tutu nous éclaire sur sa position: « Si tu es neutre en situation d’injustice, alors tu as choisi le côté de l’oppresseur ». Avant de s’opposer à un quelconque troisième mandat de Ouattara, il ferait mieux de dénoncer le gel des comptes, la détention illégale de nombreux opposants politiques, militaires, étudiants, anonymes détenus dans les goulags de celui (Ouattara) qu’il a toujours soutenu dans sa recherche effrénée du pouvoir. Le Rdr ne tient pas à se limiter à seulement deux mandats. Sur le sujet, Ouattara entretient le flou : « En 2020 vous connaitrez ma réponse en ce moment-là ». Tiken Jah Facoly devrait d’abord s’attaquer à la justice des vainqueurs, au tribalisme abject (rattrapage ethnique), à l’impunité dont bénéficient les pro-Ouattara avant de se lancer sur ce vaste chantier qui est celui de s’opposer à un troisième mandat de Ouattara. Où était-il quand Ouattara faisait voter sa constitution lui permettant de briguer un troisième mandat ? Comme le dit le célèbre écrivain malien Massa Makan Diabaté : « Si ton chant n’est pas plus beau que le silence, alors tais-toi ».
Aaron KANIE