Non, la Côte d’Ivoire n’a pas réalisé la plus grosse opération d’eurobond

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La Côte d’Ivoire est le pays africain qui a réalisé la plus grande opération de levée de fonds à travers l’émission d’un eurobond de 2,1 milliards de dollars, selon certains médias. Les données disponibles prouvent le contraire.

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«La Côte d’Ivoire a fait un retour tonitruant sur les marchés internationaux, le 15 mars, en émettant un eurobond de 1,7 milliard d’euros. Cette opération représente la plus grosse émission d’euro-obligations jamais réalisée par un Etat africain », indique Ecofin, citant Bloomberg.

Bloomberg «compile les données sur les émissions de titres de dette des 54 pays africains, depuis le début du siècle en cours», souligne Ecofin, dans un article publié le 16 mars 2018.

En effet, le mardi 13 mars,  Bloomberg a annoncé que la Côte d’Ivoire a décroché un eurobond de 2,1 milliards de dollars, « réalisant ainsi la plus grande opération de cette nature que tout autre pays africain, selon une source anonyme mais bien informée ».

Les eurobonds ou euro-obligations sont un moyen de mettre en commun les dettes européennes avec comme conséquences principales le même taux d’intérêt pour tous et surtout la solidarité de tous en cas de défaillance de l’un d’entre eux.

L’eurobond ivoirien est-il la plus grosse émission réalisée en Afrique ?

Quelles sont les preuves de Bloomberg ?

Africa Check a contacté le bureau de la compagnie Bloomberg basée à Londres et réputée dans le traitement des informations relatives au marché des capitaux en produisant des classements trimestriels des banques d’affaires selon leurs performances.

La chargée de communication, Anna Schoeffler, a pris le relais de Jill Watanabe pour déclarer que « cette information est compilée dans les tableaux de classement trimestriel des entreprises de vente par types de transaction réalisée ».

« Vous trouverez les émissions d’obligations africaines à la page 7 du tableau des marchés de capitaux de l’EMEA (Europe Middle East & Africa). Cependant, nous ne publions pas le type spécifique de données que vous  avez demandé, ni les détails des offres », c’est-à-dire des données selon les pays ayant émis des eurobonds.

Selon Anna Schoeffler, « la Côte d’Ivoire avait réalisé la plus grande euro-obligation durant le premier trimestre 2018, au moment où l’on écrivait cet article, mais elle vient d’être dépassée par l’Egypte en début avril ».

L’opération du Sénégal

Le 6 mars 2018 à Paris, le gouvernement du Sénégal est parvenu à obtenir 2,2 milliards de dollars, à la suite d’un eurobond. L’opération a été confiée à la banque d’affaires Rothschild et relayée par les médias sénégalais et même l’agence Bloomberg.

C’est la deuxième opération menée par le Sénégal en deux ans. La première avait permis d’emprunter 650 milliards de F CFA, en mai 2017.

Africa Check a saisi l’agence Bloomberg sur le cas du Sénégal en comparaison avec la Côte d’Ivoire, mais nous sommes restés sans réponse.

Quid des autres pays d’Afrique ?

En novembre 2017, le Nigeria a levé 3 milliards de dollars dans le cadre d’une vente d’obligations internationales en deux parties pour financer un déficit budgétaire, avait rapporté Bloomberg.

Le 22 février 2018, les autorités kenyanes ont réussi à lever 2 milliards de dollars à travers un eurobond.

Pour sa partl’Afrique du Sud a encaissé 2, 5 milliards de dollars, en septembre 2017, à travers une opération de la même nature.

Le succès égyptien

L’agence Reuters a annoncé, le 4 février 2018, que l’Egypte a levé 4 milliards de dollars à travers un eurobond.

Africa Check est entré de nouveau en contact avec Bloomberg pour comparer les dates d’émissions des eurobonds entre l’Egypte et la Côte d’Ivoire, mais le courriel est resté vain.

« Le Sénégal a fait mieux que la Côte d’Ivoire »

L’expert ivoirien en marchés des capitaux,  Abel N’dri N’Guessan, a confié à Africa Check que l’eurobond ou l’euro-obligation représente dans la zone Euro ce que l’emprunt obligataire est dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).

« C’est une stratégie de mobilisation de capitaux utilisée par les Etats et les entreprises en émettant des titres de dette qu’ils rémunéreront à taux d’intérêt attractif. De ce fait, ils sollicitent le concours de l’épargne des citoyens et des investisseurs qui souhaitent placer leur argent pour gagner plus sur le long terme, 20 ans ou 30 ans. Vu les montants obtenus par des pays membres de l’UEMOA qui ont émis des euro-obligations durant le premier trimestre de l’année 2018, le Sénégal a fait mieux que la Côte d’Ivoire », a-t-il expliqué.

« Le risque est que les taux d’intérêt proposés par les Etats doivent être rémunérateurs, souvent plus de 6%. Le montant à rembourser aux créanciers peut être doublé en 15 ans ou 20 ans. Il y a donc un risque de surendettement si les fonds empruntés ne sont pas investis dans des secteurs porteurs de croissance économique » a ajouté M. N’Guessan.

Conclusion : l’information est erronée

L’agence Bloomberg, reprise par Ecofin, a indiqué que la Côte d’Ivoire est le pays africain qui a réalisé la plus grande opération de levée de fonds à travers l’émission d’un eurobond de 2,1 milliards de dollars.

Pourtant, durant le premier trimestre de 2018, l’Egypte et le Sénégal ont réussi des emprunts obligataires plus importants que celui de la Côte d’Ivoire dans la zone euro.  Pour le cas du Sénégal, l’agence Bloomberg le confirme à travers un de ses articles, tout comme l’expert ivoirien Abel N’dri N’Guessan.

Sur la même période, la Côte d’Ivoire a toutefois fait mieux que le Kenya. À la lumière de toutes ces données, la comparaison de Bloomberg est erronée.

Par Birame Faye

Edité par Assane Diagne

 

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