Interview / Ediémou Blin Jacob (Chef des Chrétiens célestes de Côte d’Ivoire : « Simone doit aller pleurer avec Ouattara pour que Dogbo Blé, Séka Séka, Abéhi et Vagba sortent de prison »

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Quelle est votre perception de la réconciliation nationale ? Est-elle une réalité, selon vous ?

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En ma qualité de religieux d’une église africaine, le christianisme céleste, je puis vous dire que les hommes bons ne peuvent se réconcilier avec les hommes mauvais. Au Ciel, il y a les bons anges et les mauvais anges. Quand il y a eu la guerre, les anges mauvais n’ont plus eu part au ciel. Satan et ses anges ont été dispersés sur la terre. La paix est au Ciel. C’est cette paix que Dieu a envoyé à la Côte d’Ivoire. Je dis la réconciliation est faite parce que la Côte d’Ivoire a été réunifiée. J’ai vu la Côte d’Ivoire divisée. J’ai visité les deux parties. Ceux qui ont divisé la Côte d’Ivoire, le Premier ministre Soro a été l’arbitre ; les présidents Gbagbo et Alassane ont été candidats. Si elle n’était pas réconciliée, cela ne pouvait avoir lieu. Mais puisque nous sommes sur la terre, l’ivraie ne peut pas être la bonne graine. La bonne graine ne peut être l’ivraie. En Côte d’Ivoire, toutes les religions existent et prient librement. Comme l’arc-en-ciel, chacun a sa couleur.

C’est l’explication d’un point de vue religion. Mais diriez-vous que les différentes communautés vivent aujourd’hui en harmonie ? 

Je dis que c’est uniquement au Ciel qu’il y a la paix. Les mauvais anges ont fait la rébellion au ciel. Et les bons anges les ont fait venir sur la terre. Sur la terre, les bons anges sont ensemble, les mauvais anges également.  On ne parle pas de réconciliation, mais de vivre ensemble. Aucun pays, à l’heure actuelle, ne fait mieux que la Côte d’Ivoire. Le démon est sur la terre ivoirienne, Paul Yao Ndré l’a dit. Dieu est sur la terre ivoirienne, le Général français Poncet l’a dit. Le diable et Dieu ne peuvent pas se réconcilier. Nous essayons de chercher le vivre ensemble.

Pourtant, vous dites en off que le président Ouattara a posé des actes concrets dans le sens de la réconciliation. Quels sont ces actes ?

Je voudrais que les gens comprennent que depuis que le président Houphouët a envoyé le président Ouattara pour travailler auprès de lui, tant de jalousie, tant de jalousie. Le président Alassane était le gouverneur de la Bceao, on n’entendait pas parler de lui.  Il signait sur les billets que nous utilisions. Il était quand même un homme important. Dès que le président Houphouët a demandé à Alassane de venir auprès de lui, les murmures ont commencé. En 2011, le président Ouattara a mis en place la commission dialogue  vérité et réconciliation (CDVR) qui était chargé de faire la lumière sur ce qui s’est passé. Surtout pour qu’il y ait la  réconciliation. Le président a dit qu’il a donné 16 milliards de Fcfa. Il a vu que des paperasses, mais pas la réconciliation. Puisque cela n’a pas pu se faire, le président Ouattara a fait l’effort  pour mettre en place un autre instrument de la réconciliation : La Conariv, la Commission nationale de réconciliation et d’indemnisation des victimes. Pour la CDVR, il a confié la mission au « Premier ministre des Blancs », le gouverneur Banny Charles. Il est membre du PDCI. Si on donne 16 milliards Fcfa à n’importe qui, il réconciliera la Côte d’Ivoire.  Mais puisque le Premier ministre n’a pas pu, nous mettons cela au compte des aléas du diable. Il a su que c’était le diable qui avait empêché la réussite. Il met deux titans à la Conariv : Boikary et Ahouana, deux grands religieux. Après ces travaux, s’il n’y a pas la réconciliation, est-ce la faute à Ouattara ? Est-ce que Ouattara n’a pas fait son travail de réconciliation ? Si. Craignons Dieu.  Soyons un peu reconnaissants envers Ouattara pour que Dieu nous donne la vraie réconciliation. Parce que pour les chrétiens, la réconciliation est un ministère.  Donc le gouvernement doit avoir un ministère de la réconciliation permanemment.  Ouattara a fait ce qu’il devrait faire pour la réconciliation. Il n’y est pour rien s’il y a eu échec.

Etes-vous en train de dire que les responsables de l’échec de la réconciliation sont Banny et Mgr Ahouana ?

Non, ce n’est pas ce que je dis. Je dis que le responsable de l’échec, c’est le diable.  Yao Ndré a dit que le diable est là. Si on se rappelle, Dieu sera avec nous.  Ce n’est pas le Premier ministre Banny, ni Mgr Ahouana qui sont les responsables, mais le diable.

Vous dites souvent « Nul ne remplace l’expérience ». En Afrique du Sud, où il y a eu l’apartheid, il y a eu un modèle de réconciliation qui a marché,  c’est la commission « vérité et réconciliation » ; avouer son crime, et être pardonné. Au Rwanda, on a connu les Gachacha, les tribunaux traditionnels, un modèle qui a aussi marché, après le génocide de 1994.  En Côte d’Ivoire, il n’y a pas eu de modèle. En dehors du diable, qui est responsable de l’échec ? Le président Ouattara ou ceux qu’il a nommés ? Dans le deuxième cas, n’est-il pas responsable pour avoir nommé des hommes qui n’ont pas été à la hauteur de la mission ?

(Rire). C’est ce qui a fait mon palabre avec le Premier ministre Banny. Quand il formait l’équipe de la CDVR, j’ai envoyé le pasteur Kaha pour le voir.  J’ai demandé quelle réconciliation nous voulons faire. A l’Africaine, comme en Afrique du Sud et au Rwanda ? A l’Européenne ? A l’Américaine ? Comme dans nos villages selon nos coutumes ? Le pasteur Kaha n’est plus revenu pour me donner les nouvelles. On était trop sûrs de nous. Le président a fait son travail. Mais les agents qui devaient faire le leur étaient trop confiants, convaincus qu’ils allaient réussir. Et ils n’ont pas prié. Ils n’ont pas appelé Dieu à leur aide. On a échoué parce qu’on n’avait pas de modèle type de réconciliation. On a divagué. Mais c’est le diable qui nous a distraits.

Vous me direz que le président a amnistié de nombreux prisonniers de la crise post-électorale, a œuvré au retour de nombreux exilés. Mais, l’armée est comme la foi ; on ne raisonne pas ;  on exécute. Que font encore en prison Dogbo Blé, Séka Séka, Abehi, Vagba Faussignau…10 ans après la crise ?

Vous voyez le temps que je mets pour répondre à votre question. C’est vrai, dans l’armée, on doit d’abord s’exécuter, avant de se plaindre. Mais un bon soldat doit pouvoir dire « le grade ne fait pas l’homme, c’est l’homme qui fait le grade ». Si en ces moments pareils, l’homme n’a pas pu faire le grade, et que c’est le grade qui l’a fait, il purge une peine. Dogbo Blé, Séka Séka et les autres sont en prison, mais Simone est libérée. Je t’ai déjà dit, je demande une seule chose au FPI pour que je prie mon Dieu. Il faut que le FPI reconnaisse que Ouattara est le Président de la République actuel. Gbagbo a été Président de 2000 à 2010. Leur patronne est libérée. Que doit-elle faire ? La patronne doit faire l’effort de « pleurer » avec Ouattara pour que ces enfants-là soient libérés. Si la patronne se met encore dans l’opposition, ça fait mal.  Il n’est pas encore tard. Nous pouvons tout recommencer à zéro. Ce sont des pères de famille. Ils ont fait des fautes sans le vouloir. Que l’ex-Première dame, Mme Simone Gbagbo, sache que ces enfants-là sont en prison à cause d’elle.

Elle n’est pas cheffe des armées, c’est Laurent Gbagbo qui était le président…

Si.  Nous ne biaisons pas lorsque nous parlons. Nous sommes sincères dans ce que nous disons. D’autres peuvent mentir. Moi Jésus me regarde.  Ce que femme veut, Dieu veut.  Le président Gbagbo n’est pas libre de ses actions maintenant. Simone est libre. Avec un comportement de maman, de mère qui voit ses enfants dans la souffrance, le papa Ouattara peut écouter les pleurs de Maman  Gbagbo pour faire l’amnistie. Combien de personnes Ouattara n’a-t-il pas amnistié depuis qu’il est là ?  Nous voulons la paix.

Le FPI était à l’investiture de Ouattara le 21 mai 2011 à Yamoussoukro. Le parti a déposé un mémorandum sur la table de Ouattara pour des discussions en vue de décrisper l’atmosphère politique, après lui avoir rendu visite au palais présidentiel.  Quelle reconnaissance de Ouattara attendez-vous encore du FPI ?

Ce sont des mensonges. Dieu n’aime pas le mensonge.  Moi je parle de cœur, d’esprit. Dieu élève qui il veut, il abaisse qui il veut. Il n’a pas d’ordre à recevoir de quelqu’un. Lorsque Dieu t’élève, tu dis Amen ! Si c’est fini, tu dis à nouveau Amen ! Si tu le fais, sache que Dieu va t’élever encore. S’il t’a élevé que tu dis Amen, qu’il t’enlève et que tu te fâches, c’est que tu es foutu.

Le Président Houphouët disait : « La paix, ce n’est pas un vain mot, mais un comportement ». Qu’est-ce qui vous fait présenter Ouattara comme un homme de paix, au point de le comparer à Houphouët?

Le lundi 6 août 2018, à la veille de la célébration de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, le président Alassane a signé une ordonnance amnistiant 800 personnes, des proches du président Gbagbo emprisonnées ou en exil. Au nombre de ceux-là, on peut citer Simone, Assoa Adou et Moïse Lida Kouassi. 500 personnes bénéficiaient déjà de la liberté provisoire avant l’amnistie. Côté exilés, plusieurs sont revenus au pays, les filles de Gbagbo, des cadres du FPI comme les ministres Léon Monnet, Emile Guiriéoulou, Lazare Koffi Koffi.

De plus,  le président Ouattara, dès son arrivée au pouvoir, a su repositionner la Côte d’Ivoire sur l’échiquier international. La BAD qui avait délocalisé à Tunis, est revenue en Côte d’Ivoire. Notre pays a organisé, avec succès, les 8e jeux de la Francophonie. La Côte d’Ivoire a présidé avec brio le Conseil de sécurité de l’ONU. La croissance économique tourne autour de 8%. Les infrastructures économiques tombées en ruine ont été restaurées. Mieux, de nouvelles comme le troisième pont ont été construites.  Par ailleurs, le Président Alassane discute régulièrement avec ses opposants, par son Premier ministre Gon Coulibaly, pour trouver un consensus autour de la CEI qui a été recomposée à la demande de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Il le fait pour garantir la paix. Voici les raisons qui me poussent à dire qu’il est un homme de paix. Malheureusement, il y a encore des gens qui pensent à faire des coups d’Etat. Leur but étant de décourager les investisseurs.

Le tour est donc joué pour un troisième mandat. Vous êtes l’un des premiers à le dire officiellement. Votre position a-t-elle changé ?   

Mon souhait, c’est que tout le monde soit candidat comme en 2010, comme en 2015. Ne faisons pas des palabres inutiles. Prenons courage. Faisons tout pour ne pas que la guerre arrive. Ça ne va pas arriver. Nous sommes confiants. Le Dieu des armées va s’occuper de nous. Tout le monde va s’impliquer. On ne demande que la paix.   

Interview réalisée par Tché Bi Tché

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