DÉCLARATION DU PPA-CI DENONCANT LE DECRET DU 28 SEPTEMBRE 2022 RENDANT OBLIGATOIRE LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE ET IMPOSANT DES RESTRICTIONS AUX DROITS ET LIBERTES DES IVOIRIENS
Le Conseil des Ministres du mercredi 28 septembre 2022, s’est soldé par une décision pour le moins surprenante pour l’ensemble des ivoiriens. Désormais, le Gouvernement de Côte d’Ivoire exige aux ivoiriens de présenter une carte d’affiliation à la Couverture Maladie Universelle (CMU). Faute de quoi, ils ne pourront plus :
. retirer leur permis de conduire ;
retirer leur passeport pour voyager hors du pays;
. passer des examens et concours d’entrée à la fonction publique, à la police et à la gendarmerie nationale;
s’inscrire à l’école, s’ils ont plus de 16 ans;
s’inscrire à l’Université et dans les établissements d’enseignements supérieur, technique et professionnel;
être recrutés pour travailler dans le secteur public, parapublic et privé;
avoir accès aux programmes sociaux, programme de soutien à l’emploi et aux
activités génératrices de revenus financés par l’Etat.
Cette décision gouvernementale inattendue, et pour le moins insolite et brutale, qui assujettit les populations ivoiriennes déjà durement éprouvées par la cherté de la vie, à un prélèvement financier obligatoire, non autorisé par la loi, appelle de la part du
PPA-CI, les interrogations et les observations suivantes :
- Le Gouvernement a-t-il réellement tenu compte du principe de base de << l’Assurance Maladie Universelle » qui est la liberté d’adhésion et de sa véritable raison d’être, à savoir permettre à tous, en particulier aux moins nantis de la société à accéder aux soins de qualité qui naturellement reviennent chers ?
- Le Gouvernement, avant de prendre une telle décision, a-t-il cherché à comprendre pourquoi les populations, qu’ils se proposent d’aider, trainent à adhérer à la CMU, censée être un moyen de prise en charge sanitaire, et donc d’allègement de leurs dépenses de santé ?
- Les populations n’ont-elles pas le sentiment de payer un «< ticket de soins de santé » sans contenu réel au regard des nombreuses défaillances de notre système national actuel de santé ?
- Enfin quelle est la légalité de cette mesure gouvernementale autoritaire qui impose aux citoyens une contrainte financière ainsi que des restrictions de leurs droits et libertés constitutionnelles, sans passer par une autorisation parlementaire ?
IV- UNE VIOLATION DES DROITS ET LIBERTÉS DU CITOYEN IVOIRIEN.
Par ailleurs, les citoyens ivoiriens ont certes des devoirs, mais aussi des droits et libertés formellement reconnus et protégés par la Constitution, entre autres : la liberté de circulation, le droit au travail, le droit à l’éducation, le droit à la santé, le droit à la solidarité…. etc.
Ces droits sont proclamés par les instruments internationaux auxquels renvoie notre Constitution à savoir, la Déclaration universelle des Nations Unies du 10 décembre 1948 et la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples du 28 juin 1981. Ces droits sont formellement protégés par la Constitution de la République de Côte d’Ivoire du 08/11/2016 (articles 1, 2, 4, 9, 10, 14, 21 et 28).
La santé, supposée par le gouvernement, être garantie par la couverture maladie universelle (CMU), constitue l’un de ces droits fondamentaux. Toutefois, les intentions du gouvernement d’en assurer la jouissance à tous les citoyens ne sauraient justifier la violation ou la négation de la quasi-totalité des autres droits et libertés ci-dessus cités qui tous sont de nature constitutionnelle.
Des dispositions ci-dessus exposées, il résulte que l’exercice et la jouissance de ces droits ne sauraient être conditionnés par des obligations quelles qu’elles soient, encore moins par la souscription à une quelconque assurance maladie, fût-elle une assurance publique La liberté de souscription doit être la règle.
En clair, par ce décret du 28/09/2022, le gouvernement viole, non seulement la Constitution de la République de Côte d’Ivoire, mais aussi ses obligations internationales telles que prévues par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et du citoyen et la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples qui sont deux instruments internationaux de protection auxquels renvoie notre Constitution.
La garantie de la santé de ses citoyens est une obligation qui incombe à l’Etat. Cependant, ce dernier ne peut l’assurer par tous les moyens, notamment par des moyens illégaux, au détriment des autres droits fondamentaux que sont la vie, la santé, l’éducation, le travail, la libre circulation…C’est le lieu de dire que l’affiliation à une assurance maladie n’est nullement prévue par notre Constitution au titre des devoirs incombant aux citoyens ivoiriens. Mais est-il même concevable, acceptable et responsable de la part d’un gouvernement, de priver de leur scolarité des élèves et des étudiants, de priver les citoyens d’accéder à un emploi, de priver des indigents de l’assistance sociale, au seul motif qu’ils ne se sont pas enrôlés à une couverture maladie universelle ? Pour le PPA-CI, c’est NON et NON !
II- LE MANQUE D’ENGOUEMENT DES POPULATIONS POUR LA « CMU » ?
Le constat d’échec de la CMU telle qu’initiée par le gouvernement est clair. Ce constat émane autant des professionnels de la santé que des propos tenus par le ministre de la santé DIMBA Pierre lui-même, lors d’une conférence de presse tenue le 30/09/2022 à Abidjan (cf le Temps n°5552 du 03/10/2022): « À l’hôpital général de Yopougon et au Centre Hospitalier Régional d’Abobo qui reçoivent respectivement 200 et 1000 patients par jour, moins de 10% ont une carte d’adhésion à la CMU ».
On relève par ailleurs, que depuis sa mise en place en 2019, sur une population de 17 millions d’ivoiriens, seulement 20% (3 492 865) ont adhéré à la CMU tandis que 939 268 (26,8%) parmi les adhérents n’ont pas retiré leurs cartes d’adhésion. C’est le lieu de relever la non inclusion de 11 millions de personnes non ivoiriennes vivant sur le territoire (puisque le dernier recensement estime à environ 29 millions la population ivoirienne). A la question posée de la raison du nombre élevé des cartes d’adhésions non retirées, la réponse des usagers est récurrente : la CMU telle que proposée dans sa version actuelle, n’apporte rien de nouveau au quotidien de leur santé. Pour eux, avoir adhéré à la CMU, n’a pas changé les tares et les difficultés rencontrées dans les hôpitaux, à savoir :
les centres de santé sont inexistants ou trop éloignés des lieux d’habitation(+ 5km); l’accueil laisse toujours à désirer avec une forte propension au favoritisme; . le plateau technique est souvent inexistant;
les médicaments sont en pénurie et plus souvent retrouvés dans les officines privées;
les prestations sont limitées ne prenant même pas en compte un acte comme
l’accouchement (très important sur le plan culturel pour les populations), les accidents
de travail, les pathologies lourdes etc;
le paiement non prévu de ticket modérateur souvent incompris par l’adhérent.
D’autres personnes soulignent les retards dans la mise à disposition des cartes pour les souscripteurs, parfois deux ans. Loin de chercher à corriger ces défaillances réelles de notre système sanitaire, le gouvernement, dans une fuite en avant a fait l’option de la répression en soumettant les populations à des obligations et à des restrictions de leurs droits et libertés constitutionnels.
II- LA CMU, UNE NOUVELLE FORME D’IMPÔT NON AUTORISÉE PAR LE LEGISLATEUR ?
La CMU dans sa conception actuelle est devenue un impôt de plus ? Le ressenti des populations est celui de personnes forcées à cotiser pour quelque chose qui n’apporte aucun changement à leur situation sanitaire. Les populations pensent qu’il s’agit d’une sorte << d’impôt déguisé » pour permettre au gouvernement de renflouer les caisses de l’Etat. Sous cet angle, la décision du conseil des ministres qui rend obligatoire la CMU, au moyen d’une restriction des droits et libertés des citoyens, est une violation des règles constitutionnelles qui disposent, que << fixer, lever et affecter ce type de prélèvement qui s’applique à tous comme un impôt »>, relève de la compétence exclusive du pouvoir législatif, c’est-à-dire du Parlement et non de la compétence du Conseil des ministres. Le décret n’est pas une loi !
EN CONSÉQUENCE DE CE QUI PRÉCÈDE,
Pour le PPA-CI, cette décision constitue un véritable passage en force, un chantage inacceptable qui ne peut solutionner de cette manière cavalière le problème crucial de la santé des populations Ivoiriennes.
Le PPA-CI considère que cette mesure, qui ne s’attaque pas aux vrais problèmes de notre système de santé, est plutôt de nature à accroître le taux déjà important des personnes exclues de l’école, le nombre impressionnant des chômeurs et des sans-emplois parmi lesquels des docteurs d’université, à élever encore plus le taux de pauvreté, tandis que les restrictions à la liberté de déplacement donnent de notre pays l’image d’un pays de dictature… etc.
Le PPA-CI rappelle que dans le domaine médical le patient est roi. Les gouvernants ont le devoir régalien d’assurer l’accès des populations à la Santé, mais nul n’a le droit d’imposer un médecin, ni un circuit de traitement à un patient. Le patient est libre en âme et en conscience, de choisir le lieu, la manière, le type de traitement et d’assurance-maladie (publique ou privée) pour ses soins.
C’EST POURQUOI,
le PPA-CI dénonce un chantage gouvernemental honteux et une flagrante violation des droits et libertés des ivoiriens;
le PPA-CI juge inacceptables les restrictions des droits et libertés imposées par le gouvernement dans le but d’obliger les populations à souscrire à un système de couverture maladie universelle (CMU) qui n’a pas fait ses preuves;
le PPA-CI exhorte le gouvernement au retrait pur et simple du décret du 28 septembre 2022 sur la CMU et l’invite à opter pour une approche plus responsable, combinant l’amélioration de la CMU et la correction des défaillances avérées du système sanitaire avec une véritable politique de sensibilisation des populations;
Dévoyer l’assurance universelle en un impôt qui ne dit pas son nom, restreindre les droits et libertés, ne résoudra aucun problème sanitaire en Côte d’Ivoire !
Pour le PPA-CI
Le Professeur TOUTOU Toussaint Vice-Président Exécutif en charge de la Santé
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