Décès de SANGARÉ: Les larmes de Gbagbo : « Je tiendrai jusqu’au bout. Je te le dois »

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Que de combats n’avons-nous pas menés ensemble, que de misère n’avons-nous pas partagée ensemble ; que de souffrances n’avons-nous pas connues ensemble; mais aussi, que de rêves n’avons-nous pas caressés et de joies ne sommes-nous pas communiquées mutuellement. Inséparables, nous sommes unis par un destin commun que notre foi en la démocratie, comme meilleur mode de gestion des contradictions inhérentes à toutes les communautés humaines, nous a imposé. Pour cet objectif, nous avons fait esprit ensemble dans une sorte d’osmose qui nous permet de nous transférer nos idées, de façon commutative, même quand nous sommes séparés physiquement. Cette fusion d’esprit, dans deux corps différents, nous a permis, grâce à l’alternance dans l’action, de déjouer les différents et nombreux pièges de l’adversaire. Ainsi, quand je suis ici et que tu n’es pas ici, tu y es aussi. Quand tu es là-bas et que je ne suis pas là-bas, j’y suis aussi. Nous avons, ensemble, fait dos rond et appris à supporter tous les coups durs afin de minimiser nos peines et nos souffrances pour rester constants sur le chemin vers notre objectif commun, démocratiser notre pays. Comme si c’était le Bon Dieu lui-même qui tenait à nous rappeler le caractère sacerdotal de notre engagement, le lieu de notre première rencontre et le lieu de notre séparation physique définitive coïncident : la prison. La prison nous a unis la première fois en 1971 à Séguéla à cause de nos idées politiques, la prison nous a séparés physiquement depuis le 11 avril 2011 et, une fois encore, pour nos idées politiques. A cause toujours de la prison, je n’ai pas pu être à tes côtés pour recueillir tes dernières confidences. Je me trouve à des milliers de kilomètres de toi au moment où nous nous séparons physiquement de façon définitive. Entre les deux extrémités de notre parcours, que de brimades, que d’humiliations et de souffrances, mais, par-dessus tout, que d’espérances suscitées en nos concitoyens. Depuis 1971, tu as été de tous les combats, sans relâche, dans la loyauté et la fidélité à nos idéaux. De la palmeraie de Dabou en 1988 au congrès de Moossou en 2018, tu es resté le gardien fidèle de notre instrument de lutte: le FPI. Après tant de sacrifices, alors que tout t’autorisait à réclamer la primauté, tu t’es toujours refusé de solliciter une quelconque prime particulière. Au contraire, tu as été l’artisan du transfert du pouvoir au sein du parti à la jeune classe. Cette posture de grande dignité a contribué à te hisser au sommet du parti dans la conscience de tous nos militants qui, à juste titre, t’ont décerné le titre de « gardien du temple ». Tu as, en effet, su garder la maison stable sur les flots malgré les torrents et les tempêtes qui l’ont secouée. Quand tout semblait compromis, ton calme et ta sérénité ont toujours redonné l’espoir. En février 1992, quand la violence étatique s’est abattue à bras raccourcis sur nous, tu as été là pour sauver la maison. En 2014, il a fallu encore toi, pour remettre les choses à l’endroit afin que notre famille politique ne perde pas son âme. Tu es resté l’homme des missions difficiles et ingrates pour notre parti. C’est pourquoi, j’engage toutes les militantes, tous les militants et les sympathisants du FPI ainsi que tous nos compatriotes épris des valeurs de démocratie et de liberté, à te rendre un hommage à la hauteur de tes sacrifices.
Au-delà du parti, c’est toute la nation ivoirienne qui te doit un hommage mérité. De la faculté de droit à l’Inspection générale d’Etat en passant par le ministère des Affaires Étrangères, tu es resté un grand serviteur de l’Etat à la conscience incorruptible.

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Soumis aux mêmes souffrances, notre destin commun nous a portés de l’unicité politique à l’unicité familiale. Une fraternité née des épreuves nous unit. Tu me l’as prouvé une fois encore, un jour d’avril 2011, lorsque tu as décidé de venir avec ta mère, que dis-je notre mère, te joindre à nous à la résidence du Président de la République de Côte d’Ivoire, déjà à feu et à sang à cause des bombardements que nous subissions. J’ai encore en mémoire les termes du courrier que tu m’as envoyé, en ces temps incertains pour nos vies, pour me témoigner ta fraternité. Ce trait singulier de fidélité et de loyauté aux combats justes a dû se forger grâce à notre référent commun, Soundjata Kéïta, le roi du Manding qui ne cessait de rappeler à ses sujets que: « En certains moments, la mort vaut mieux que le déshonneur (saya kafissa maloya lâ). Homme très peu bavard et fuyant les honneurs mondains, tu te serais contenté de très peu d’hommages. Peut-être même pas du tout. Mais Sangaré excuse-moi, pour une fois, une seule fois, j’outrepasse ta volonté. Je me suis permis de parler un peu de toi. Pour le reste, ta réputation d’honnêteté et d’incorruptibilité, qui ne s’éteindra jamais, constitue le plus grand témoignage de ta vie. En effet, une sagesse africaine rappelle, à juste titre, que « la mort enfouit le corps de l’homme mais jamais sa réputation ». Je t’entends me dire, Laurent n’abandonne pas. Sang, je te le promets, au nom de notre engagement commun, jamais je n’abandonnerai. Je reste à la tâche même privé de liberté. Je tiendrai jusqu’au bout. Je te le dois.
Maintenant, mon cher Sang, repose en paix. Que ton âme ne soit point troublée. Tu as mené le bon combat. Tu as parcouru le chemin sans répits. Tu as droit au repos que méritent tous les combattants des causes justes.
Merci Sang, merci pour tout, infiniment merci.

Très fraternellement,

Laurent GBAGBO.

 

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