Feu professeur Séri Bailly, ex-membre de la commission nationale pour la réconciliation et l’indemnisation des victimes des crises survenues en Côte d’Ivoire (CONARIV) mettait le doigt sur le manque de volonté politique en ce qui concerne la réconciliation nationale en Côte d’Ivoire : « La réconciliation nationale en Côte d’Ivoire n’a pas encore pris son ticket donc elle ne peut pas démarrer ». Pour expliquer le blocage de cette réconciliation nationale, Abou Drahamme Sangaré, l’ex-président du parti de Gbagbo disait, parlant lui aussi de la réconciliation qu’elle manque Laurent Gbagbo, un maillon essentiel. Celui-ci étant un acteur clé de la crise ivoirienne. Quelques années plus tard, le président du Fpi , Laurent Gbagbo est de retour en Côte d’Ivoire après son acquittement bien entendu. Sans trahir cette pensée à relents prophétiques de son ami, Laurent Gbagbo s’attaque à cette bataille de la réconciliation. En se rapprochant du plus vieux parti politique ivoirien, le Pdci. Un parti qu’il a combattu pendant plus de 30 ans pour l’instauration du multipartisme en Côte d’Ivoire. Au cours d’une rencontre avec Bédié, Gbagbo a donné sa propre vision de la réconciliation : « Il faut se dire les vérités au moment où il faut se les dire, il faut se dire les vérités qui soignent, pour guérir, pas comme des bravades qui peuvent blesser », a-t-il asséné .Ainsi avec Bédié, Gbagbo annonce un dialogue national dans le but de la recherche de la vérité sur la crise post-électorale qui a entrainé plus de 3000 morts, chiffres officiels en Côte d’Ivoire. Pour Bédié et son hôte, il faut emprunter une démarche qui va faire connaître la vérité aux Ivoiriens même si elle est difficile, afin d’exorciser et de conjurer le mal. Mais si cette initiative de rapprochement Gbagbo- Bédié est considérée comme un signe de paix vers la réconciliation définitive des Ivoiriens, elle est plutôt vue par le Rassemblement des Houphouétistes pou la démocratie dialogue et la paix (Rhdp) comme un rapprochement tacite pour la reconquête du pouvoir en 2025 par ces opposants. C’est pourquoi, Il faut vite botter en touche cette proposition douteuse : « Rien ne s’imposera au Président Alassane Ouattara. Nous n’avons pas besoin de Dialogue National. Parce que la Côte d’Ivoire n’est pas en crise. Les institutions fonctionnent. L’État travaille (…).Alassane Ouattara est le Président de la République. Point Barre ! Le RHDP mènera toutes les batailles à ses côtés pour la stabilité en Côte d’Ivoire », ajoute Adama Bictogo directeur exécutif du Rhdp au cours d’une réunion avec ses militants le lundi 12 Juillet 2021. Des signes qui montrent que cette réconciliation ne sera pas aisée comme au sortir d’un gala . Elle pourrait se heurter à une guerre d’intérêt et une peur de faire connaître des choses longtemps cachées au monde si l’on y prend garde. D’abord on peut lire dans la démarche du Rhdp une volonté de refuser de faire porter le manteau de messie Gbagbo, longtemps peint au monde comme le principal responsable de la crise postélectorale de 2010. Ensuite beaucoup de choses se sont passées devant des alliés d’hier, aujourd’hui, devenus des opposants, une situation difficile à gérer pour le Rhdp qui craint l’impact de ces vérités sur les batailles électorales pour la présidentielle de 2025. Pourtant la réconciliation ne peut se faire sans le dialogue. En Afrique du Sud pour que les Sud-africains pansent les plaies de l’apartheid, il a fallu dialoguer .En Côte d’Ivoire, à l’instar de ces peuples, les Ivoiriens méritent de se parler afin de soigner aussi leurs plaies. Sinon cette réconciliation restera toujours de façade. La preuve, pendant 10 ans, la réconciliation des Ivoiriens est toujours une vue de l’esprit. Comme quoi celle-ci est encore à la gare , elle n’a pas démarré pour paraphraser le professeur Séri Bailly.
Renaud Djagtchi