Côte d’Ivoire-Cocody-Angré : Une école transformée en fumoir

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S’il n’est pas encore en proie à l’insécurité mode « les enfants en conflit avec la loi », où l’on découpe à la machette, le Groupe scolaire Angré II et III, n’est pas non moins à la merci d’autres formes d’insécurité qui menacent enseignants et apprenants, au cœur d’un quartier de Cocody, réputé être la commune d’une certaine bourgeoisie. Enquête expresse !

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Il est 23 h ce samedi 21 décembre 2019, lorsque nous arpentons le mur du Groupe scolaire Angré II et III, dans la commune de Cocody. A cette heure de la nuit, tout semblait calme, à part quelques va et vient des couche-tard. Du haut de notre mètre 84, nous apercevons un attroupement de jeunes à l’intérieur de la cour de l’école. Que font-ils là à cette heure de la nuit? Prennent-ils la drogue comme l’on nous l’avait confié il y a quelques mois en arrière? Nous nous approchâmes. Nous sommes vite accueillis par l’odeur de la fumée de cigarettes dont les feux étaient perceptibles dans l’obscurité. Au fur et à mesure que nous nous approchions au contact des jeunes, l’odeur devenait piquante. N’ayant pas le flair des flics spécialisés dans la lutte anti-drogue, nous ne pouvons pas affirmer avec certitude qu’il s’agissait de la drogue. Nous n’avons pas le temps de poser la première question que le groupe se dispersa à pas vifs. Nous obligeant à observer la prudence, car sait-on jamais. Dans cette nuit « noire », des armes à feu ou blanches peuvent être dissimulées. Même si nous ne détenons pas de solides preuves que la drogue se prend dans cet établissement, comme l’on nous l’a glissé, cette scène insolite nous envoie un faisceau compact d’indices sur la probabilité de cette prise qui serait réelle. En effet, dans notre rendu d’il y a quelques mois, nous écrivions qu’à l’instar de la quasi-totalité des écoles publiques du pays qui manquent de travaux de réfection, la faute à une crise militaro-politique, le groupe scolaire Angré II et III, à un jet de pierre du Terminus 81/82, à Angré, dans la commune de Cocody, n’échappe pas au poids du temps. Vitres brisées, plafonds en lambeaux, toitures perforées…Mais en dehors du commun, l’école a une particularité. Il s’y passe des choses étranges, plongeant élèves et corps enseignant dans une insécurité totale. « Pour aller aux toilettes, nous sommes obligées de transporter nos sacs, de peur qu’on les vole. On  a déjà enregistré des cas de vol. La clôture n’étant pas haute, les jeunes du quartier l’escaladent pour traverser la cour. Parfois, ils s’y asseyent pour deviser », souffle une institutrice qui a requis l’anonymat. « Les jeunes font n’importe quoi dans les salles de classe ou même dans la cour » glisse-t-elle. Et de préciser : « Quand je dis n’importe quoi, je fais référence à la drogue et au sexe ». Ce lundi 6 mai 2019, il est 13 h lorsque nous arrivons au groupe scolaire Angré II et III, dans le périmètre du Terminus 81/82, dans la commune de Cocody. Le « chaud » soleil irradiait impitoyablement ses rayons. Mais l’enjeu, porter la voix de ce petit monde éducatif au sommet de l’Etat en valait le sacrifice. On est immédiatement frappé par la taille de la clôture. A peine 1 mètre de hauteur. Ce qui fait que tout ce qui se passe dans l’enceinte de ce lieu de savoir n’a pas de secret pour les passants. Autre fait notable, le portail de l’entrée principale s’est affaissée depuis des lustres et attend certainement une bonne volonté pour se tenir debout. Celui de l’entrée secondaire, bien que fixé, a besoin d’un serrurier pour filtrer les allers et venus des élèves et parents d’élèves, mais aussi, malheureusement, des badauds. A dire vrai, il ne sert à rien de mettre un portail, tant que la clôture reste en l’état, car la sauter ne demande pas d’effort.  A cette heure de l’après-midi, normalement les classes vaquent. Mais, des cris stridents d’élèves se font encore entendre. Ce sont ceux qui n’ont pu regagner les domiciles et qui attendent de reprendre les cours l’après-midi. Faute de cantine pour pouvoir les canaliser, ils sont livrés à eux-mêmes, avec tous les risques de jeux accidentogènes. « Pour pouvoir installer tout cela (cantine, ndlr),   il faut une certaine sécurité. Il faut qu’il y ait une clôture bien haute. Ensuite un portail, pour pouvoir penser à la cantine et autre. Notre principal problème, c’est la clôture » déplore Françoise Kouamé, la directrice d’Angré III. Si la clôture reste pour elle le problème majeur, il n’en demeure pas moins que l’école a besoin de réfection. Un coup d’œil dans les salles de classe laisse voir la toiture fissurée par endroit, le plafond qui a cédé face à l’usure du temps ou porte les traces de l’eau de pluie qui s’est infiltrée.   « Mon école a aussi un problème de toiture. Lorsqu’il pleut, les classes sont inondées » plaide-t-elle. Et ce n’est pas tout. La nuit tombée, l’école devient une « zone industrielle » de sexe et de consommation de drogue à ciel ouvert. Le gardien des lieux  confirme ses prises de bec récurrentes avec les jeunes du quartier environnant. « Tous les jours, je fais palabre avec eux », dit-il. Un tour dans le dos du bâtiment d’Angré III, et l’on est accueilli par une odeur nauséabonde, décomposition de matières fécales déposées  nuitamment par ceux qui voient dans cet espace une Latrine.  « Notre clôture est très basse. Et la plupart du temps, les jeunes l’escaladent. Comme l’école est grande, d’un point, on ne peut pas remarquer la présence d’une personne étrangère. C’est notre problème ici » note encore la Directrice. A peine nous prenons congé d’elle que nous apercevons un jeune assis sur la clôture. Une présence qui est pour nous du pain bénit, car elle témoigne les dires de l’institutrice. Nous nous approchons et engageons le débat, après avoir décliné notre identité. Elvis K., c’est son nom, ne fait pas difficulté à échanger. « Je viens de manger un garba (semoule de manioc, ndlr). Je suis juste assis ici pour digérer et ensuite je rentre à la maison » assure-t-il. Lorsque, nous lui disons que l’école se plaint du fait que les jeunes du quartier profitent pour voler dans les classes et même faire des choses pas claires, notre interlocuteur coupe net: « Non, non, moi, je suis juste là pour prendre de l’air sous ce cocotier ».  Une chose est sûre, la taille de la clôture reste le catalyseur des vols et autres actes obscènes dans l’école.  La Directrice est d’avis que la surveillance des lieux revient à surveiller 25 casseroles sur du feu, à cause de la taille de la clôture et du nombre élevé de personnes étrangères qui se faufilent dans l’école. « Nous avons besoin d’aide pour garantir la sécurité de notre école » lance-t-elle, non sans révéler avoir plaidé auprès de la mairie de Cocody qui a fait la promesse de donner une suite favorable. L’Etat, dont c’est la responsabilité de veiller à la sécurité des personnes et des biens, surtout de ses édifices, est ici bruyamment interpellé. Des mécènes et autres bonnes volontés aussi

Tché Bi Tché

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